La loi offre aux membres du CHSCT la possibilité de faire appel à un expert agréé par le Ministère Chargé du Travail.
C'est au-delà du contexte précis, dans lequel l'expertise est réclamée, l'occasion unique d'améliorer les conditions de travail et par voie de conséquence la qualité d'exécution du travail et l'efficience du salarié.
Outre les aspects réglementaires liés à la sécurité, à l'hygiène et à la santé au travail, un bon rapport d'expertise constitue pour les dirigeants un apport extérieur dont la richesse provient aussi du fait qu'il n'a pas subi de modifications à la demande de l'encadrement intermédiaire. Un rapport d'expertise tend à renvoyer les dirigeants à la réalité vécue par les salariés et à des dysfonctionnements ou des insuffisances. En cela, il peut être une considérable contribution pour conduire le changement et faire progresser la qualité et l'efficience du collectif de travail.
Le rapport d'expertise s'il ne verse pas dans l'idéologie constitue donc "un autre regard" qui permet de mieux prendre en compte la complexité de certaines situations. Le rapport d'expertise apporte un complément au manager dans sa prise de décision. Il peut permettre d'anticiper pour ne pas subir. Les directions d'établissement doivent cependant rester vigilantes. La prise en compte de l'éventualité du recours à un expert extérieur par le CHSCT doit survenir le plus tôt possible et leur action ne peut se relâcher même après l'achèvement de la mission d'expertise.
Quand l'appel est-il caractérisé ?
L'article qui encadre l'appel à un expert extérieur par le CHSCT est le L. 236-9. En fait le CHSCT ne peut faire appel que dans deux cas bien définis par la loi et la jurisprudence : L'article L 236-9 modifié par la loi du 31 décembre 1991 précise les conditions et les modalités de recours à l'expertise.
- Lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constatée dans l'établissement ;
- En cas de projet important modifiant les conditions d'hygiène et de sécurité ou les conditions de travail au sens de l'alinéa 6 de l'article L 236-2 du code du travail c'est-à-dire dans le cas où la modification des conditions de travail qui est envisagée concerne un nombre significatif de salariés et conduit sur le plan qualitatif à un changement déterminant des conditions de travail des salariés concernés.
L'appel à expertise doit avoir pour objectif de permettre au CHSCT d'analyser, avec un éclairage extérieur et indépendant, une situation de travail particulière et en devenir en cas de projet et ses conséquences sur la santé, l'hygiène et/ou la sécurité des salariés.
Le cas du risque grave
En matière de risque grave, il convient de séparer les cas où il y a eu réalisation du risque, c'est à dire la survenue d'un sinistre et le cas ou le risque grave est simplement possible et redouté, c'est-à-dire latent. Le risque grave est réalisé lorsqu'un sinistre survient et qu'il affecte la santé d'un ou de plusieurs salariés. Le recours à expert revêt un objectif curatif. Dans les faits, l'expérience montre que dans ce cas souvent dramatique il est très rarement contesté dans son principe par l'employeur. Des contestations cependant peuvent porter, le plus souvent, sur l'étendue de l'expertise et les modalités et les moyens à lui consacrer. Il en va de même lorsqu'il y a défaillance ou dysfonctionnement d'installation qui exposent ou qui auraient pu porter atteinte à l'intégrité physique, à la santé ou à la vie des salariés (exemples : explosions, incendie, émanations toxiques, etc...).
Le risque latent
Dès lors qu'un risque grave et potentiel c'est-à-dire non réalisé, le recours à l'expert est possible. Il s'agit de situation pouvant occasionner un accident grave ou une maladie professionnelle et donc une Invalidité Partielle Permanente est identifié dans l'établissement par le CHSCT. Dans ce cas, le recours à l'expertise nécessite le respect de règles bien précisées par la jurisprudence.
En tout état de cause, pour pouvoir dire qu'un "risque grave potentiel est découvert", il faut déjà que soient clairement identifiés :
- le danger,
- le personnel exposé à ce danger,
- les conditions d'exposition, qui permettent de faire redouter la réalisation d'un accident.
Le cas du projet important
Dès lors qu'un projet important va modifier les conditions d'hygiène et de sécurité ou les conditions de travail, le CHSCT a la latitude de faire appel à un expert extérieur. L'expert va, de façon indépendante, aider les membres du personnel au CHSCT à analyser les conséquences du projet sur l'hygiène, la sécurité, la santé et les conditions de travail.
Voilà un pouvoir important que le législateur a donné au CHSCT. Là encore, comme pour le cas du risque grave l'abus peut être sanctionné par la justice. La circulaire 93 15 du 29 mars 1993 précise ce qu'il faut entendre par projet important. Le projet en luimême doit être important. Un projet important est celui qui va concerner un nombre conséquent de salariés par rapport à l'effectif. Par exemple, un projet modifiant les conditions de travail de trois ou quatre salariés sur une cinquantaine ne sera certainement pas jugé un projet important1. Sans cette restriction, le texte entraverait considérablement la nécessaire réactivité des entreprises face aux diverses contraintes auxquelles elles doivent faire face.
Le recours à expert pour projet important est de plus en plus utilisé lors de la mise en place de plans de sauvegarde de l'emploi (PSE). Aussi, convient-il de bien gérer les différentes procédures de consultation des instances respectives chargées de cette question. Si la mise en oeuvre d'un plan de réorganisation suite à une réduction d'effectifs entre dans le cadre de l' Article L 236.9, la loi et la réglementation en vigueur ne précisent pas dans quel ordre doivent être consultés respectivement le CE (voir le CCE) et le CHSCT. Le CHSCT devant être consulté sur un projet "réputé définitif", on en déduit que la Direction devra mener sa procédure d'information - consultation au niveau du CE voir du CCE - avant d'arrêter un projet jugé définitif et de le présenter aux CHSCT pour en recevoir l'avis.
Cette approche semble la plus aisée. Même s'il est vrai que cette procédure allonge les délais de mise en oeuvre du PSE, mais elle évite d'éventuels recours en requalification de ce dernier. Ceci étant posé, il nous faut également remarquer que le principe même de cet appel repose sur la recherche d'une information garantie sans préjugé. Dans les deux cas, les membres du personnel ont le pouvoir de faire appel à un expert. Dans les deux cas ce pouvoir est limité aux choix d'experts figurant sur la liste dressée par le Ministère du Travail, qui délivre un agrément basé à la fois sur les
compétences et les coûts des divers cabinets.
Les étapes de la procédure
En cas de projet important
Pour le cas d'un projet important, le CHSCT doit décider de faire appel à un expert avant de s'être prononcé sur le projet, le recours à l'expert doit lui permettre de rendre un avis motivé. Au cas ou le CHSCT aurait émis un avis, il n'a plus possibilité dans une réunion ultérieure de se faire assister par un expert. A l'exception toutefois des réalisations de long cours ou chaque phase peutêtre assimilée à un projet (sous-projet). L'expertise a effectivement pour but d'aider le CHSCT à se faire un avis et à l'exprimer.
Le CHSCT doit voter, à la majorité des membres du personnel présents.
La décision de recours à l'expert, pour être valable, doit donc recueillir un vote favorable d'une majorité qualifiée. Le CHSCT doit adopter une motion précisant le contenu de la mission qui sera confiée à l'expert et le cabinet agréé désigné. Dans ce cas, l'expertise doit être faite dans un délai de trente jours ; ce délai peut être prolongé pour tenir compte des nécessités de l'expertise ; le délai total ne peut cependant impérativement excéder quarante-cinq jours. Ces précisions sont établies par le législateur pour éviter que le pouvoir accordé aux membres du personnel n'interfère négativement sur les délais de mise en oeuvre des projets importants.
En cas de risque grave
En ce qui concerne le risque grave, la volonté des membres du CHSCT de faire appel à un expert fait partie d'un point porté à l'ordre du jour d'une réunion. Pour le moins, le risque considéré doit faire partie de l'ordre du jour de la réunion. La décision du CHSCT est, là aussi, arrêtée à la majorité des membres du personnel présents. Elle doit exposer clairement et précisément les premiers éléments démontrant la réalité de la situation de risque grave qui justifie le recours à l'expertise. Elle doit aussi préciser le contenu de la mission et le cabinet d'expertise retenu.
La décision de recours peut, dans les deux cas, être accompagnée d'une décision complémentaire qui donne mission à un membre du CHSCT (généralement le secrétaire) pour faire exécuter la décision du CHSCT et pour éventuellement le représenter devant les tribunaux en cas d'action judiciaire. En effet, le TGI peut être saisi par l'Employeur en contestation de la demande du CHSCT. Dans cette hypothèse, l'instance qui a la personnalité morale devra être représentée par une personne physique. Ensuite, le cabinet missionné prendra contact pour étudier la demande du CHSCT et la position de la direction de l'établissement et éventuellement accepter la mission.
Dans le cas ou il accepte la mission l'expert doit matérialiser son accord. Certains petits cabinets de 1 , 2 ou 5 personnes sont souvent très vite saturés Il est clair qu'étant donné les délais impératifs de réalisation en cas de projet important, l'expert doit s'engager sur sa disponibilité et faire connaître son acceptation de la mission dans les délais légaux impartis pour la réaliser. Ce point étant traité , l'expert retenu pourra alors comme le recommande les autorités de tutelle analyser la demande des membres du CHSCT pour établir un cahier des charges pour répondre aux besoins exprimés par l'instance ou encore qui découlent de la situation par exemple en cas d'accident grave Une convention intégrant ce cahier des charges sera ensuite établie par l'expert et proposé à la Direction de l'établissement pour acceptation.
Ici trois hypothèses sont à envisager :
1. Le président du CHSCT accepte l'expertise.
Le travail de l'expert commence, que la convention soit signée ou non. En effet, la convention n'est pas obligatoire pour le déroulement de l'expertise, signée, elle constitue essentiellement une garantie sur les méthodes utilisées, les délais et les limites de l'action.
2. Le président du CHSCT se prononce contre l'expertise et saisi le TGI :
La suite dépendra des décisions de justice. Les frais de justice et de procédure (TGI, Cour d'Appel, voire Cour de Cassation) seront supportés par l'entreprise sauf si le recours à l'expertise est jugé comme abus de pouvoir ce qui est très rare. En effet selon l'article L. 236-9 du code du travail, le CHSCT peut faire appel à un expert agréé dans un certain nombre de situations, cet article précise non seulement que les frais d'expertise sont à la charge de l'employeur, mais que si l'employeur entend contester la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, le coût, l'étendue ou le délai de l'expertise, cette contestation est portée devant le président du tribunal de grande instance statuant en urgence.
Pour la Cour de Cassation, il résulte de ce texte que l'employeur doit supporter le coût de l'expertise et les frais de la procédure de contestation éventuelle de cette expertise dès lors qu'aucun abus du CHSCT n'est établi.
3. Le président s'oppose à la réalisation de l'expertise mais ne saisit pas le TGI.
Cette situation n'est pas envisagée par les textes réglementaires. L'opposition à la mission, c'est-à-dire la contradiction entre le Président et les Membres du CHSCT étant levée par le TGI. Néanmoins, ce cas se retrouve semble t'il assez souvent dans les faits. Cette situation résulte souvent d'une rupture du dialogue entre les parties. Les membres du personnel dans ce cas seraient en droit d'engager une action pour délit d'entrave.
Dans ce cas après constat, les membres du personnel au CHSCT peuvent aussi saisir le TGI pour faire appliquer la décision du comité. Pour cela une personne physique doit avoir reçu mandat explicite du CHSCT pour représenter l'instance en justice. Il est à noter de plus que les membres du CHSCT peuvent demander à l'expert mandaté dans les règles de commencer sa mission. Il est clair que pour l'employeur, cette hypothèse 3 n'offre pas de véritables garanties. Bien au contraire, cette fausse alternative l'expose à des surcoûts et à des condamnations pour entrave au fonctionnement de l'instance.
Ce texte est extrait de l'ouvrage : GUIDE D'ACHAT DES EXPERTISES CHSCT de Stéphane MARTIANO avec la collaboration de Laurent ZUNINO Publié par les Editions d'Ergonomie. |
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