Les technologies de l'information et de la communication (TIC) sont devenues omniprésentes dans le monde professionnel entrainant de profondes modifications des conditions de travail et d’organisation dans les entreprises. Ces nouveaux outils présentent des risques pour le nombre grandissant d’employés et de cadres qui les utilisent intensivement, au point de concerner la majorité des effectifs dans le secteur tertiaire.
Les technologies de l'information et de la communication (TIC) sont devenues omniprésentes dans le monde professionnel entrainant de profondes modifications des conditions de travail et d’organisation dans les entreprises.
Ces nouveaux outils présentent des risques pour le nombre grandissant d’employés et de cadres qui les utilisent intensivement, au point de concerner la majorité des effectifs dans le secteur tertiaire :
- Risques physiques : exposition prolongée aux champs électromagnétiques, fortes sollicitations de la vision, gestes et postures inadaptés devant les écrans, claviers, smartphones ou ordinateurs portables.
- Risques psychologiques : surcharge informationnelle, perte des limites entre vie professionnelle et privée, disponibilité et interactivité permanentes, nomadisme professionnel, affaiblissement des relations interpersonnelles.
Les conséquences sur la santé au travail concernent en premier lieu les troubles musculo-squelettiques et visuels, mais ce sont surtout les risques psychologiques liés au stress, à l’excès de charge mentale qui apparaissent les plus préoccupants dans le développement non maitrisé des technologies de l'information et de la communication, à la fois sous ses aspects psychosociaux et organisationnels.
Les risques professionnels des technologies de l'information et de la communication
- Les risques physiques des TIC
- Le risque visuel
Le travail continu sur écran sollicite fortement la vision : le mécanisme d'accommodation permanent, assuré par le cristallin et les muscles des yeux, qui permet le réglage de la mise au point de l’image sur la rétine, la convergence qui permet la fusion des deux images rétiniennes grâce à la contraction de muscles situés autour de l'œil, provoquent une fatigue oculaire après des efforts visuels prolongés. De plus, de nombreux et très fréquents défauts de l'œil (myopie, hypermétropie, astigmatisme, troubles de la convergence, presbytie) rendent l'effort oculaire plus important pour un résultat médiocre lorsqu’ils sont mal ou pas corrigés. Par ailleurs, les mauvaises conditions d’éclairage (reflets sur les écrans, éblouissement direct...), un poste peu ergonomique, aggravent la fatigue visuelle. Cette fatigue des muscles oculaires se traduit par une vue de plus en plus trouble au fur et à mesure de l'effort, des picotements et rougeurs oculaires, des larmoiements, des clignements intempestifs des paupières, des maux de tête...
- Les risques de troubles musculo-squelettiques
La position statique assise prolongée, l’utilisation constante du clavier, de la souris et de l’écran de l’ordinateur, le travail permanent au téléphone, génèrent des contraintes posturales au niveau du dos, du cou, des épaules et du poignet.
Les poignets souffrent notamment lors de la frappe dactylographique sur le clavier et de la manipulation répétitive de la souris.
Il en résulte souvent des cervicalgies et des lombalgies, des affections du poignet (syndrome du canal carpien), par compression par appui sur le talon de la main. Cette compression est responsable de fourmillements dans le territoire du nerf médian sous le ligament carpien palmaire situé à la face antérieure du poignet.
On note aussi des tendinites du pouce et du coude liée à l'usage des microclaviers ou des combinés téléphoniques mal tenus.
La position assise immobile de longues heures favorise aussi l'apparition de pathologies comme les troubles circulatoires, le diabète, ou l'obésité, aggravée par le grignotage et/ou une restauration rapide, sans vraie pause-déjeuner.
A noter aussi que des contacts cutanés fréquents avec des claviers et combinés de téléphone sales, génèrent aussi des maladies digestives dues aux virus et bactéries manuportés (gastro-entérite...).
- Les risques des champs électromagnétiques
Les risques éventuels sur la santé causés par une exposition aux rayonnements électromagnétiques artificiels sont encore mal connus et les nombreuses études en cours sur leurs effets n’apportent pas de conclusions certaines et font l’objet de controverses.
L’utilisation intensive du téléphone portable expose particulièrement le travailleur à une source d’émission d’ondes dont il est très proche, car les effets biologiques observés dépendent de la puissance du champ électromagnétique qui diminue rapidement avec la distance : le CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer) indique que l’usage intensif du téléphone portable « peut-être cancérogène pour l’homme » à long terme et il y a parfois des effets directs pathologiques significatifs à court terme pour certaines personnes hypersensibles (nausées, vertiges, palpitations, effets visuels et nerveux). Ces symptômes non spécifiques évoquent plutôt une réaction d’anxiété vis-à-vis d’un phénomène diffus, non maitrisable et non perceptible de manière directe.
Les risques psychosociaux des TIC
L'introduction massive des technologies de l'information et de la communication (TIC) et d’Internet ou d’Intranet dans les entreprises génère de profondes modifications dans l’organisation du travail lui-même, mais aussi dans les relations des employés entre eux. Smartphone, ordinateur portable sont très souvent immédiatement inclus dans le kit du nouvel employé...
La souplesse d’utilisation, l’instantanéité, l’intensité du flux, la masse de stock et la capacité de traitement et de recherche d’informations, l’interactivité, rendent ses outils (téléphones et ordinateurs portables, logiciels de recherche, de calculs, de traitement de texte, de dessins, courriers électroniques ...) particulièrement performants et sources importantes de productivité et de qualité. Par ailleurs, les modifications induites par les TIC de la localisation du travail, de son rythme, de sa nature peuvent conduire à plus d’autonomie, à un enrichissement des fonctions, à une flexibilité permettant un meilleur équilibre entre le travail et la vie personnelle.
Mais ils entrainent aussi parallèlement des effets pervers : les efforts de concentration, de compréhension, d’adaptation, d’attention et de minutie, d’accomplissements de tâches de traitement d’informations, mais aussi les pressions psychologiques liées aux exigences de rapidité, délai, qualité d’exécution, les sollicitations constantes en temps réel que permettent les TIC, génèrent une forte contrainte psychique. L’intensification de la charge mentale est induite par ces nouvelles technologies informatiques, la formalisation généralisée des procédures de travail informatisées, l’adaptation rapide aux nouveaux logiciels, qui imposent une vigilance, une précision accrues et constantes.
De plus, ces outils permettent un nomadisme accru du travail, une disponibilité constante par le truchement du téléphone ou de l’ordinateur portable, avec éventuellement une surveillance sophistiquée et pernicieuse des salariés par surveillance régulière à distance (géo-localisation) : les employés peuvent travailler dans les transports en commun, à leur domicile ou sur leur lieu de vacances au détriment de leur vie privée et de leur temps de repos. Le mélange des plages de travail et de repos (phénomène de weisure = work + leisure), conduit ainsi à un enchainement ininterrompu de stress.
Enfin, du fait de l’abolissement à la fois en durée et distance de la mise à disposition de données, les TIC induisent également de nouveaux lieux et temps de travail disséminés pouvant nuire à la construction de la cohésion sociale, à l’isolement et à l’affaiblissement des relations interpersonnelles par individualisme professionnel, avec diminution des communications réelles en face à face au profit de communications virtuelles par écran interposé (comme c’est d’ailleurs le cas dans le reste de la société...).
Le surmenage, l’épuisement professionnel (burn-out) induits par les TIC concerne particulièrement les cadres, sollicitant et sollicités à tout moment, sur tout sujet, leur conférant aussi des activités de secrétariat qui ne leur incombaient pas jusqu’alors et augmentant leur charge de travail, notamment à domicile, et qui entrainent une véritable addiction au travail (work alcoholism : ne penser qu’au travail et fuir les autres aspects de la vie), avec un rapport de dépendance aux TIC : les classes d’âge les plus jeunes avec le rôle du manque d’expérience professionnelle alliée au gout prononcé pour les supports vidéo y sont très sensibles. La consommation élevée d’antidépresseurs, d’anxiolytiques et les conduites addictives (tabac, alcool, stupéfiants) viennent compléter le panorama des troubles psychologiques que peuvent engendrer l’usage immodéré des TIC au travail.
Dans le cas du télétravail, qui est un aboutissement de l’usage des TIC, on atteint le cas extrême ou l’absence de conciliation vie au travail / vie privée et l’absence d’intégration à l’entreprise sont possiblement porteuses de mal-être au travail. Les femmes, devant arbitrer entre vie professionnelle et familiale, sont tout particulièrement concernées : c’est alors paradoxal dans la mesure où par ailleurs, le télétravail limite les déplacements professionnels et fait ainsi gagner du temps, offre une plus grande autonomie, ce qui souligne le caractère ambivalent des TIC au travail...
Les mesures de prévention des risques des technologies de l'information et de la communication
Dans ce nouveau monde du travail que les TIC engendrent, les mesures préventives doivent prendre en compte à la fois les risques physiques mais surtout l’accentuation possible des risques psychosociaux induits par les TIC : la prévention du stress et des atteintes à la santé mentale liées aux TIC relève de mesures techniques et organisationnelles, en repérant et éliminant des pratiques abusives et déviantes d’utilisation que les TIC peuvent générer, si elles ne sont pas maîtrisées et encadrées.
- Politique et règles de fonctionnement
Des règles, claires, connues et partagées, doivent permettre d’avoir un cadre de référence commun que l'éloignement et/ou l’affaiblissement du lien social direct peuvent brouiller, où les usages différents de chacun peuvent provoquer des tensions au sein des équipes et de la hiérarchie.
Il est ainsi nécessaire que certaines recommandations en termes d’organisation et d’usages des TIC, de formation à leur utilisation, soient édictées dans une charte, avec suivi de leur appropriation par le personnel.
- Règles concernant la messagerie électronique, Internet, Intranet et les réseaux sociaux.
Il s’agit de transmettre l’information juste nécessaire, utile pour le travail, et seulement aux bons destinataires, pour éviter la diffusion incontrôlée de messages et formulations peu claires ou trop longues : mises en copie, cachées ou non, structuration en analyse et synthèse, résumé des propositions, règles de sécurité et de confidentialité...
Il s’agit aussi de limiter les réponses en cascade, en maintenant la discussion sur le sujet initial, avec le souci de savoir finir une discussion en concluant l’échange sur un aspect constructif (points d' accord ou de désaccord clarifiés) et/ou une proposition d’action.
Il faut se prémunir des usages qui consistent à envoyer des informations surabondantes à tout le monde jusqu'à la saturation génératrice de surcharge informative et par suite de stress et d’inefficacité.
Une entreprise n’est pas un forum : il faut mettre en garde sur les attitudes agressives ou manipulatoires, les jugements de valeur excessifs et polémiques ou conflictuels non factuels, qu’un écrit met en exergue et prolonge dans le temps beaucoup plus qu’un écart verbal. Certains propos ne relèvent que d’une rencontre en face à face, notamment pour les évaluations personnalisées.
Dans le même esprit, toute diffusion de rumeurs ou d’informations incertaines sans l’usage du conditionnel ou de la forme interrogative, tout message concernant la vie privée doivent être banni.
L’utilisation et la reproduction de travaux doivent être accompagnées de la citation de la source, et respect de l’éventuelle confidentialité et autorisation.
Par ailleurs, l’usage à titre personnel pendant le temps de travail et avec les outils télématiques de l’entreprise (Internet, réseaux sociaux ...) doit lui-aussi être encadré.
- Règles concernant le respect de la vie privée.
Les sollicitations hors temps de travail empiètent sur la vie et les temps privés, mais chaque collaborateur vit différemment cette intrusion selon sa personnalité et la technologie employée.
La nécessité de recourir plutôt au courriel, moins intrusif que la téléphonie portable, s’impose dans la mesure ou l’exigence du management ou la norme de l’entreprise n’est pas d’y répondre au plus tôt, y compris nuits, week-ends et jours fériés ... : certains managers utilisent abusivement les technologies de l'information et de la communication comme instrument de pouvoir et en font une « laisse électronique » du salarié. La déconnexion du téléphone professionnel ne doit pas être considérée comme une marque de désengagement.
Les répercussions sur la charge mentale dépendent aussi de différentes caractéristiques individuelles (âge, genre, statut marital...), du secteur d’activité... Les jeunes gens non chargés de famille, passionnés des réseaux sociaux, d’Internet et autres formes d’usages numériques, sont évidemment moins sensibles et ce type de relation à distance peut être l’objet d’un accord avec le manager s’il comporte par ailleurs des contreparties en terme de souplesse des horaires ...
C’est pourquoi les réponses organisationnelles, en dehors ce considérations générales de bon sens, sont liées en partie au profil de chacun et au type de travail.
Il faut établir une garantie que les TIC ne seront pas utilisées en dehors des objectifs qui leur sont assignés et des restrictions explicitées, par exemple pour surveiller les connexions Internet, les messages, les localisations.
- Conservation du lien social
Les échanges formels et informels ne doivent pas être négligés, sous prétexte que les TIC permettent des communications aisées : les contacts individuels ou en groupes (entretiens et réunions périodiques) sont indispensables pour obtenir la reconnaissance de ses supérieurs et de ses pairs, la satisfaction et la motivation au travail. Ce soutien social au travail est une exigence émotionnelle qui passe essentiellement par les contacts directs.
Ceci est tout particulièrement vrai dans le cas des télétravailleurs : l’organisation du travail et du temps de travail doit préserver des moments d’échanges périodiques en face à face avec les collègues et hiérarchie et il faut contrecarrer le frein promotionnel que pourrait représenter l’absence de contact direct avec le management de l’équipe.
De plus, un entretien annuel doit permettre d’évaluer les modalités du télétravail et de les modifier éventuellement.
- L’ergonomie des postes de travail
Il existe une réglementation du travail sur écran, (décret n° 91-451 du 14 mai 1991 et circulaire DRT n° 91-18 du 4 novembre 1991).
L'écran d'ordinateur doit se situer à la hauteur des yeux, orientable en hauteur et latéralement, et il convient d’adopter des écrans LCD à la place des écrans cathodiques. L’écran doit être orienté perpendiculairement aux fenêtres, pour limiter les reflets, et il convient de pivoter l’écran si des reflets subsistent du fait des luminaires.
L’installation du bureau et du siège doit permettre l'ajustement du clavier pour obtenir un positionnement adéquat du bras et la main (angle du coude droit ou légèrement obtus ; avant-bras proches du corps ; main dans le prolongement de l’avant-bras) ; le siège doit être réglable, de manière à ce que les pieds reposent à plat sur le sol ou sur un repose-pied, dos droit ou légèrement en arrière et soutenu par le dossier. Il convient de ne pas laisser les poignets posés en continu sur le bureau. Il est possible d’utiliser un repose-poignet pour le clavier et la souris.
Claviers, souris, combinés téléphoniques, machines et équipements bureautiques, doivent régulièrement être nettoyés et désinfectés.
Le kit mains libres doit être systématiquement utilisé pour éloigner l’influence des ondes électromagnétiques sur l’oreille et on ne doit pas porter le téléphone portable connecté constamment sur soi, ni l’utiliser en conduisant.
- Formation aux technologies de l'information et de la communication
Des actions de formation, d’accompagnement, pour favoriser l’appropriation par tous de l’usage à la fois technique et éthique des TIC, sont nécessaires. Il y a le recours à des formations par des consultants extérieurs mais il faut considérer aussi que les compétences et l’expérience de l’usage des TIC sont très différentes d’un individu à l’autre : il faut encourager la mise en place de dispositifs de solidarité, certains étant de véritables experts capable de secourir les autres. C’est pourquoi il convient aussi d’avoir une individualisation des parcours de formation avec des capacités de personnalisation en proposant des parcours adaptés répondant exactement aux besoins.
- Le rôle des CHSCT relatif aux technologies de l'information et de la communication
Depuis la loi de modernisation sociale de janvier 2002, les prérogatives du CHSCT s’étendent à tous les domaines concernant la sécurité et la protection de la santé physique et mentale des salariés ; l’instance doit être consultée, ce qui englobe aussi l’aspect organisationnel "En cas de projet important introduisant une nouvelle technologie". Le Document unique de prévention des risques professionnels doit répertorier les risques liés aux TIC et les mesures prises ou à prendre. La rédaction d’une charte en commun, résultat d’un dialogue avec le personnel et leurs représentants favorise l’appropriation par tous les acteurs de l’entreprise des bons usages, un suivi qualité et une observation de leur appropriation.
Janvier 2014
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