Certains épisodes de la vie au travail peuvent s’avérer très traumatisants pour les collaborateurs et affecter le bon fonctionnement de l’entreprise. Lors d’une confrontation à un grave événement traumatique (incendie, explosion, décès, suicide sur le lieu de travail, fortes violences internes ou externes, grave accident de travail ...), la crise qui en résulte affecte l’entreprise dans son ensemble et peut engendrer des désordres organisationnels, psychologiques et sociaux nuisant à une rapide et efficace remise en état de marche normale de l’exploitation. La mise en place d’un dispositif de gestion de crise est alors essentielle...
Certains épisodes de la vie au travail peuvent s’avérer très traumatisants pour les collaborateurs et affecter le bon fonctionnement de l’entreprise.
Lors d’une confrontation à un grave événement traumatique (incendie, explosion, décès, suicide sur le lieu de travail, fortes violences internes ou externes, grave accident de travail ...), la crise qui en résulte affecte l’entreprise dans son ensemble et peut engendrer des désordres organisationnels, psychologiques et sociaux nuisant à une rapide et efficace remise en état de marche normale de l’exploitation.
La mise en place d’un dispositif de gestion de crise est alors essentielle, c'est-à-dire un plan d’actions et de communication adapté pour limiter les impacts émotionnels, prendre en charge l’accompagnement des salariés en souffrance avec une structure de soutien psychologique et faciliter la reprise d’activité.
La notion de crise en entreprise
Un événement traumatogène est un événement brutal, soudain et inattendu, lié à des émotions fortes (anxiété, angoisse, peur, affolement, colère) confrontant les victimes ou témoins de façon directe ou indirecte avec la mort ou avec une atteinte sérieuse à l'intégrité physique et psychique et/ou à l’environnement.
La notion de crise peut être définie comme l’arrivée de ces évènements traumatiques, déstabilisants, brutaux et imprévisibles, qui bouleversent le collectif de travail et son équilibre : les expériences et comportements habituels du contexte normatif disparaissent et causent des moments de stupeur, d’incertitude totale, de désarroi voire de panique. En laissant des vides organisationnels dus aux routines qui deviennent inopérantes, la crise génère une situation instable particulièrement difficile à piloter car les difficultés rencontrées perturbent les décideurs qui n’ont plus de cadre de référence sur lequel s’appuyer.
La crise entraine de sérieuses incidences au sein d’une entreprise : elle déstabilise une organisation car elle marque une rupture avec son fonctionnement habituel et la place dans une zone d’incertitudes fortes. D’importants bouleversements à court et moyen terme peuvent s’ensuivre dont les symptômes les plus fréquents sont l’absentéisme, la démotivation, la désorganisation du travail qui procurent souvent aux collaborateurs fortement touchés un sentiment d’insécurité, d’épuisement professionnel pouvant augmenter les risques de dépression et de troubles psychosomatiques suite à un état post de stress post-traumatique.
Au delà du désordre organisationnel et psychosocial et de ses conséquences économiques et commerciales, en se développant, la crise peut revêtir des aspects protéiformes la rendant mal contrôlable :
- climat social de l’entreprise dégradé sur le thème des mauvaises conditions de travail,
- altération de l’image de marque dans l’opinion du fait d’une médiatisation négative d’accidents industriels, environnementaux ou humains,
- sanctions civiles et pénales dues au non-respect de la législation du travail en matière d’hygiène et sécurité.
Le concept de crise est une notion fortement liée à la perception des acteurs concernés : une crise mineure peut se transformer ou pas en crise majeure selon la résilience de l’organisation, c’est à dire sa capacité à absorber plus ou moins facilement une perturbation. L’interprétation que les cadres et employés se font de la crise et leur représentation de celle-ci, ont des conséquences sur la crise qui s’auto-amplifie (cercle vicieux) ou s’affaiblit (cercle vertueux) selon l’influence des facteurs humains en jeu.
Il y a un phénomène de croissance et d’amplification des crises en entreprise, quelles que soient l’activité et la taille, car les seuils de perception d’une crise ont évolué :
- aversion grandissante au risque affaiblissant le niveau d’acceptabilité des dangers encourus,
- complexité technologique rendant les organisations plus fragiles,
- plus grande sensibilité à l’environnement du fait que l’opinion publique se sent beaucoup plus concernée par la pollution de l’air et de l’eau (chimique, radiologique, biologique),
- surcroît de médiatisation spécialement si les riverains ont été touchés par la catastrophe (directement par des blessures ou indirectement par des faits visibles de l’extérieur comme sur les chantiers).
D’autre part, Il faut bien prendre en compte que culturellement et techniquement, le management est mal préparé à gérer des situations très peu probables, qui n’arriveront presque jamais dans leur vie professionnelle : cela accentue les effets des crises lorsqu’elles se déclenchent car les dirigeants n’ont pas les compétences et l’expérience pour appréhender les enjeux.
Le rôle des médias peut renforcer la dynamique d’une crise et une surenchère médiatique peut alors apparaître lors de certaines crises et accélérer son processus. Une crise peut aussi s’amplifier sous l’effet de la rapidité des informations et des rumeurs diffusées par l’intermédiaire des téléphones portables et des réseaux sociaux des sites de partage en ligne.
Les événements traumatogènes en entreprise et leurs conséquences psychologiques
Les causes d’un événement traumatogène en entreprise se regroupent en plusieurs grandes catégories :
- Celles concernant le personnel : décès brutal (accident cardiovasculaire ...), suicide ou tentative, délire immaitrisable, violences (bagarres avec blessés, viol ou tentative, meurtre ou tentative ...), séquestration, ivresse aigue.
- Celles relatives aux conditions matérielles ou techniques internes : incendie, explosion, fuite ou déversement toxique important, effondrement de structures (échafaudages, racks de stockage, ...), accident du travail mortel ou gravissime (écrasement par une machine ou un engin, chute de hauteur ...).
- Celles relatives aux catastrophes naturelles : inondations, tempêtes, foudre, tremblements de terre, feux de forets ...
- Celles relatives aux violences externes : violences crapuleuses de prédation (hold-up, braquage, prise d’otages, vol avec agression), violences de pur vandalisme (destruction de biens), violences physiques (attaque par coups portés, par arme blanche ou à feu, viol), violences terroristes (bombe ou alerte, attentat ...).
Ces événements traumatiques, d’intensité évidemment très variable, mettent l’individu ou la communauté humaine de travail en dehors de la continuité de son exploitation, et sont susceptibles de provoquer des répercussions psychologiques sur les salariés qui en sont victimes ou témoins : les personnes touchées sont considérés comme victimes quelles soient directes (blessées ou présentes sur le lieu de l’accident), indirectes (collègues de travail) ou impliquées (sauveteurs, managers).
- Conséquences psychiques immédiates
La pathologie psychique relève des symptômes typiques du stress intense et des réactions psychiques immédiates (anxiété aiguë, état confusionnel post-émotionnel). Le choc émotionnel se traduit par la pâleur, une difficulté respiratoire, une tachycardie, des tremblements et des spasmes digestifs.
- Conséquences psychiques différées
On peut observer des décharges émotives différées (prostration dépressive, angoisse, cauchemars) ou l'apparition de symptômes psycho-traumatiques favorisant l'installation d'un syndrome chronique, au terme d'une phase de latence variable selon les individus et selon les circonstances : des symptômes de répétition, un syndrome d'hyperactivité neurovégétative, un repli de la personnalité et un ensemble de symptômes non spécifiques (asthénie, anxiété, plaintes somatiques), avec éventuellement une consommation excessive d'alcool, de produits stupéfiants ou de tranquillisants.
Les modalités d’intervention post-traumatique en entreprise
Permettre aux équipes de retrouver rapidement leurs capacités de travail, prévenir les troubles psychosociaux du personnel, préserver le climat social et l’image de marque sont les objectifs d’une gestion de crise en entreprise.
Pour empêcher ou résoudre la crise potentielle suite à un événement traumatisant pour l'organisation de travail, il convient de mettre en place un plan d’actions et de communication adapté. Le traitement d’une telle situation demande à l’entreprise une forte capacité réactive et une prise de décision rapide et pertinente de la part d’un encadrement préparé à y faire face.
Il convient de prendre les mesures de prévention adaptées aux circonstances et d’éviter les erreurs afin de ne pas renforcer la crise. L’accomplissement de ces tâches sera largement facilité et donc plus efficace si l’entreprise a défini préalablement une procédure d’accident grave à mettre en œuvre.
Dans la perspective de conduite de la gestion d’une crise, il est essentiel que la gestion de crise intègre notamment :
- une formation adaptée des personnes qui doivent avoir les compétences, l’expérience et une bonne connaissance des différents dispositifs existants pour y répondre,
- des conseils à l’encadrement (sensibilisation à l’accompagnement des salariés en souffrance, préconisations).
- des entraînements et des exercices pour que des acteurs très différents apprennent à travailler ensemble en amont d’une crise potentielle.
Dés le début de la crise, la mise en place d’une cellule de crise regroupant le DRH, le médecin et l’assistante sociale du travail, éventuellement un psychologue extérieur (coaching de crise), des membres du CHSCT, les managers de proximité, apporte un soutien multifonctionnel à même de restaurer la capacité de dialogue et de coordination d’actions dans l’environnement personnel et de travail des individus traumatisés. Cette cellule de crise devra être capable de lancer et de développer des actions simultanées, en se répartissant les tâches à accomplir en urgence. La cellule de crise doit rendre compte périodiquement du suivi de ces actions tant à la DG qu’aux représentants du personnel.
Une prise en compte précoce des traumatisés permet de limiter les conséquences du traumatisme en assurant sur le terrain un premier soutien émotionnel et psychologique dans l'immédiat (defusing psychologique).
Puis, un debriefing psychologique individuel et/ou de groupe regroupe des interventions visant à réduire la prévalence des troubles émotionnels (permettre d’exprimer les émotions puis amener à accomplir, par la réflexion et le soutien, une démarche de compréhension). Dans le debriefing collectif, il convient d’essayer de recentrer les émotions sur le contexte du travail, ce qui fait sens pour le groupe et représente un moyen de rompre le sentiment d’isolement et d’évacuer, avec écoute et soutien compétent, les fortes émotions collectives avec liberté de parole.
Une communication adaptée, tant en interne qu'en externe, est un enjeu fort pour bien gérer la crise pour ne pas provoquer en plus de vives réactions en raison de propos ou d’écrits mal maitrisés (déni, minoration ou exagération maladroites, compassion insuffisante ou surjouée, fuite devant les responsabilités, débat technique et juridique compliqué masquant la dimension humaine tragique...).
Prendre acte de la gravité de ce qui vient de se passer, sans banaliser ni exagérer le drame, établir une description sobre des circonstances de survenance, garantir une analyse approfondie pour en tirer les enseignements, véhiculer un sentiment crédible de soutien et de reconnaissance émanant de la direction, figurent parmi les principaux éléments d’une communication réussie de crise en entreprise.
Ensuite, une méthode d’analyse a posteriori de l’accident doit être faite ultérieurement, pour en obtenir une description objective, reconstituer le processus accidentel, en identifiant tous les facteurs et leurs relations ayant concouru à sa survenance, de façon à proposer des mesures de prévention pour qu’il ne se reproduise pas. L'analyse d'un accident repose sur un travail de groupe, pour ouvrir le dialogue entre toutes les personnes concernées (victimes, témoins, encadrement, responsables HSE, représentants du personnel) et dépassionner le débat pour rechercher les causes objectives et profondes de l'accident et trouver des solutions communes et partagées à chacune de ces causes.
Enfin, réaliser un bilan de la gestion de la crise passée permet aussi de surmonter définitivement la crise dans un souci de résilience alimentant le retour d'expérience. Le retour d’expérience est une composante fondamentale de la gestion des risques, car l’analyse méthodique des dysfonctionnements et imperfections du déroulement de la gestion de la crise permet d’ajuster en conséquence et de prendre des mesures qui permettent de réaliser les corrections et améliorations, de réviser les pratiques et procédures de sécurité du travail, afin de réduire les travers observés et d’améliorer toute la chaîne de prévention.
Pour aller plus loin
• Un guide indique des procédures détaillées : Accompagner un évènement traumatique en milieu de travail (SSTRN, 16 pages) :
« Dans ces moments tragiques, la capacité à agir sera d’autant plus importante que des protocoles préalables auront été pensés et construits pour y répondre au mieux.
Comme dans beaucoup de situations où il faut vite et bien réagir, il convient de connaître les ressources de proximité, pour organiser une bonne prise en charge.
Ce guide vous permet de vous organiser avec vos ressources de proximité, dans l’objectif de préserver la vie et la santé en milieu de travail. »
Sommaire :
- Constituer et réunir une équipe de crise
- Annoncer l’événement
- Recommandations pour la rédaction d’une annonce
- Proposition pour l’annonce orale et/ou écrite
- Proposition en cas d’événement grave
- Proposition de communication pour les médias
- Organiser les soutiens nécessaires
- Obligations administratives
- Annexe1 : RAPPEL DES MESURES D’URGENCE
- Annexe 2 : INFORMATIONS LEGALES
- Annexe 3 : LES CELLULES D’URGENCES MEDICOPSYCHOLOGIQUES
• OFFICIEL PREVENTION : Formation > Formation continue à la sécurité : L’arbre des causes d’un accident du travail
Novembre 2016
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