Le stress permanent a des effets destructeurs et pathogènes sur les individus qui y sont soumis, mais les troubles comportementaux qui en résultent rejaillissent également sur toute la structure entrepreneuriale (chute du rendement et de la qualité pour un ouvrier, perte de clientèle pour un agent commercial, perte d'autorité pour un chef de service, perte de créativité pour un chercheur ...) avec de surcroît un turn-over de la main d’œuvre et un taux d’absentéisme élevés.
Le stress permanent a des effets destructeurs et pathogènes sur les individus qui y sont soumis, mais les tsroubles comportementaux qui en résultent rejaillissent également sur toute la structure entrepreneuriale (chute du rendement et de la qualité pour un ouvrier, perte de clientèle pour un agent commercial, perte d'autorité pour un chef de service, perte de créativité pour un chercheur ...) avec de surcroît un turn-over de la main d’œuvre et un taux d’absentéisme élevés.
Or, dans les entreprises, de nombreuses enquêtes font état d’une hausse constante de la fréquence et de l’intensité des facteurs de stress.
Certaines méthodes de management utilisées aujourd'hui provoquent des risques psychosociaux en augmentation, qui nuisent à la fois à la santé des travailleurs et à l’efficacité de l’entreprise.
Par ailleurs, certains métiers sont, par nature, soumises à des manifestations d'usure professionnelle : on parle de stress vicariant pour désigner les troubles compassionnels qui affectent souvent les professionnels de santé, les travailleurs sociaux, les sapeurs pompiers, les policiers lorsque leur rapport avec des victimes leur devient insupportable.
De plus, la violence externe au travail, c'est-à-dire les agressions causées par des personnes extérieures à l'entreprise (client, élève ...) constitue un risque important dans un nombre croissant de professions (entreprises de services, enseignement ...) et induisent un stress important lors d’agressions régulières et répétées.
Enfin, le stress peut être provoqué par des comportements individuels pervers de responsables hiérarchiques ou de collègues, lié à du harcèlement moral ou sexuel.
Dans un monde du travail ou les fonctions mentales sont de plus en plus sollicitées, la prévention du stress et des atteintes à la santé mentale liées au travail relève de mesures techniques et organisationnelles, principalement dans le domaine du management.
La confirmation de la réalité croissante des atteintes à la santé psychique et de ses effets somatiques par le stress (maladies cardio-vasculaires, troubles musculo-squelettiques, troubles gastro-intestinaux, états d’anxiété et dépressifs...) et du rôle des facteurs organisationnels dans les entreprises constitue une alerte majeure de santé publique, puisqu’ environ la moitié des arrêts maladie en serait imputable, directement ou indirectement.
Les situations à risques
- Le stress managérial
Il est du aux méthodes de management, à la gestion des ressources humaines et aux changements d’organisation.
- des exigences accrues à la fois de productivité et de qualité parfois contradictoires,
- des objectifs de réductions drastiques et souvent inatteignables des coûts et des délais,
- l'insécurité et la précarité de l'emploi (accroissement des CDD, de l’intérim, des temps partiels ...),
- la flexibilité imposée avec des exigences d’horaires ajustés en fonction de la demande et le travail en horaires décalés,
- la disponibilité constante par le truchement du téléphone ou de l’ordinateur portable,
- l'externalisation des tâches et les menaces de délocalisations,
- les restructurations continuelles brouillant sans cesse les repères,
- l’intensification de la charge mentale due aux nouvelles technologies informatiques...
sont parmi les causes qui expliquent la hausse de la fréquence des risques psychosociaux dans certaines entreprises, créant des conditions favorables au développement d’un processus de stress managérial.
Plus fondamentalement, les réponses organisationnelles à ces nouvelles exigences de compétitivité se caractérisent par des modifications qui touchent tous les niveaux de l’organisation et passe par des attentes de nouvelles polyvalences, par la constitution d’équipes pluri-métiers (management par projet) qui éloignent les acteurs de leur communauté professionnelle. Ceci entraîne, d’une part, une remise en question des expertises : les acteurs peuvent ainsi être mis dans des situations d’autonomie excessive, voire en situation d’incompétence.
D’autre part, ces évolutions organisationnelles entraînent une forte déstabilisation, voire une déstructuration des collectifs de soutien (métier ou fonction).
En parallèle, le contenu des rôles de management évolue fortement. Cette évolution consiste à demander aux managers d’assumer de plus en plus de nouvelles missions (qualité, progrès continu, conduite du changement...), à coté de leur responsabilité opérationnelle, et ils sont placés entre l’attente de performances collectives difficiles à atteindre voire ressenties comme arbitraires et des modes individuels d’évaluation ou est perçu un déséquilibre entre les besoins des tâches professionnelles qui leur sont confiées et les moyens dont ils disposent pour les réaliser, un manque de cohérence entre les attentes face à leur travail et la réalité de celui-ci.
L’évolution inquiétante de certaines méthodes modernes de management contribuent à mettre en évidence les effets délétères de nouvelles organisations qui, paradoxalement, prônent l’autonomie et la responsabilité individuelle, sans en fournir la formation ni les moyens, ce qui est ressenti comme un facteur majeur d’agression psychique : sentiment d'inefficacité / d’incompétence / perte de l’estime de soi / doute de la valeur de son travail en comparant les résultats obtenus avec la norme imposée par la hiérarchie. - Le stress d’usure compassionnelle (ou vicariant)
Le traumatisme dit « vicariant » résulte d'une surcharge émotionnelle résultant d’une profession au contact permanent avec des personnes en détresse (malades, blessés, SDF, victimes etc.) ou le travailleur est confronté à des situations faisant éprouver des émotions intenses. Ces confrontations constantes avec la souffrance d'autrui, à l’exposition répétée à la vision et/ou aux récits d’accidents ou d’actes de violence ... peuvent être à l'origine d'une souffrance psychologique plus ou moins importante et plus ou moins tardive appelée traumatisme vicariant (ou secondaire par effet de contagion du traumatisme).
Les effets de la traumatisation vicariante se cumulent avec le temps et peuvent conduire à l'état de stress compassionnel.
Le stress vicariant affecte les professions où prévaut la relation d’aide (soins de santé, services sociaux, services d’urgence et de secours) ou l’investissement psychologique et la responsabilité du bien-être d’autrui sont à l’origine de la surcharge psychologique qui ne peut qu’augmenter en cas de surcharge quantitative, et cela d'autant plus que les possibilités de venir au secours sont parfois très réduites.
Les intervenants en santé mentale confrontés sans cesse à de lourdes pathologies psychiatriques forment un groupe à risque élevé de stress compassionnel professionnel, de même que le personnel infirmier confronté à de multiples sources de stress, comme la souffrance et le décès des malades, la complexité des soins aux patients, l’exigence constante de l’excellence malgré l’incertitude à l’égard du traitement, les difficultés de répondre aux demandes des familles ...
L’excès de stress compassionnel peut paradoxalement engendrer des formes de négligence voire de maltraitance envers un patient, un handicapé mental ou physique ... - Le stress de la violence externe au travail
La demande de services évolue de façon importante dans la vie économique, et se traduit par l’augmentation spectaculaire de l’emploi dans ces secteurs : or, tout contact d’un employé avec le public implique des risques de violence, qui croissent donc à la mesure de l’expansion de ces secteurs économiques.
En effet, des clients peuvent être violents ou le devenir dans certaines situations, particulièrement les services publics qui focalisent toute l’insatisfaction et les frustrations sociales dont l’Etat et la société sont rendus responsables par certains usagers.
Egalement, des manques de qualité (délais de livraison non tenu, matériel défectueux, prix non conforme ...), des promesses commerciales excessives (réparation express, service "Zéro défaut", disponible 24h sur 24, 7j sur 7...) multiplient les clients non satisfaits et fournissent des raisons à des personnes dont les facteurs individuels psychologiques (maladie mentale ou abus d'alcool ou de drogues) ou sociaux (chômage, situation de précarité) rendent agressifs.
Les secteurs d'activité concernés sont notamment les entreprises de transports publics, l'éducation nationale, le secteur sanitaire et social (hôpitaux, services sociaux, ...), les agences bancaires et postales, les grandes surfaces commerciales... La violence externe peut prendre plusieurs formes : agressions verbales, physiques ou psychologiques (menaces) qui, à la longue, induisent un stress qui peut provoquer de profondes altérations psychologiques.
Ces troubles induits par le stress permanent peuvent, en réaction, mener à des comportements hostiles ou violents, par exemple ceux du personnel enseignant à l’encontre des élèves perturbateurs.
De plus, les témoins d’une agression étant parfois également traumatisés, une agression peut avoir des répercussions psychologiques sur les autres salariés de l’entreprise, surtout sur les femmes qui ressentent plus la violence de la part des usagers que les hommes : en matière de stress post-traumatique, le traumatisme d’autrui est ainsi potentiellement « contagieux ».
Par ailleurs, l’obsession de l’organisation de plaire à ses clients selon une logique « bon service = client satisfait », entraîne, dans des métiers caractérisés par la permanence d’une interaction avec l’usager, des conséquences émotionnelles pouvant s’avérer difficiles à supporter psychologiquement : même en dehors de violence caractérisée, la nécessité de contenter continuellement un client exigeant, sans toujours avoir les moyens pour le faire, constitue un facteur de stress. Des entreprises qui délivrent des informations aux clients peu claires, incomplètes, ambiguës, erronées, qui ne laissent aucune marge de manœuvre à son agent pour négocier un dédommagement, une ristourne, un avoir, une reprise sans frais... sont des exemples d’organisations qui induisent des situations stressantes systématiques aux agents de ses services commerciaux ou d’après-vente. - Le stress de la violence interne au travail (harcèlements)
Le stress est provoqué ici par toutes les manœuvres de harcèlement effectuées de manière répétée et sur une certaine durée, ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité d’un salarié, de compromettre son avenir professionnel et d’altérer sa santé mentale.
Cas particulier : il y a harcèlement sexuel lorsqu’une personne fait subir à un salarié ou un candidat à l’embauche des contraintes ou pressions en vue d’obtenir des faveurs de nature sexuelle.
Le stress du harcèlement moral se distingue de celui lié aux mauvaises conditions de travail générales qui concernent tous les salariés, ou aux avertissements ponctuels verbaux ou écrits à un salarié qui sont argumentés, portent sur des faits liés à l’exécution du travail et peuvent être discutés, réfutés par manque de preuve ou de pertinence....
Le harcèlement moral est le fait d’un supérieur hiérarchique (ou, rarement d’un collègue) ayant une personnalité obsessionnelle ou perverse dans un but gratuit de destruction d’autrui et de valorisation de son propre pouvoir, et ces agissements ne visent pas à l’amélioration objective du travail.
Il peut s’agir aussi de manœuvres conscientes d’intimidation pour obtenir la démission volontaire et contourner ainsi les règles du licenciement.
Le harcèlement moral consiste à isoler le salarié, à le persécuter par la surveillance obsessionnelle de tous ses faits et gestes, à déqualifier sans raison son poste, à le surcharger ou au contraire à le sous-charger abusivement, à lui adresser constamment des reproches de type punitif visant sa personnalité, à exiger sans cesse des justifications, à afficher du mépris et à l’humilier publiquement ...
Diverses enquêtes mesurent de 5% à 15%, selon les entreprises, le nombre de salariés estimant être harcelés au travail : cette fréquence impressionnante doit être nuancée compte tenu que le terme est flou et qu’il est difficile de cerner ce qui est la réalité des cas. Il n’y a pas pathologie psychologique spécifique due au harcèlement puisqu’il s’agit d’un éprouvé subjectif, et des troubles paranoïaques (sentiments de persécution imaginaires) ou des menées manipulatrices à l’encontre d’un chef de manière à lui porter préjudice, peuvent invalider l’accusation de la personne se prétendant harcelée.
Toutefois, même en tenant compte de ces remarques, le phénomène semble très répandu, et on observe une multiplication des poursuites pénales au motif de harcèlement moral.
En pratique, le salarié établit les faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et la hiérarchie, au vu de ces éléments, doit prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d’un harcèlement.
Des « faits accidentels » précis, certifiés par des témoins (agressions physiques ou verbales, altercations et brimades constantes, refus total de dialogue...), la survenue brutale fréquente de « lésions » (malaise, crise de larmes, perte brutale du contrôle émotionnel, tentative de suicide au travail) constituent un dossier de présomption, mais l’imputabilité à des conséquences d’un harcèlement moral reste souvent sujette à caution. L’interdiction légale de mesures discriminatoires à l ’encontre des témoins n’est, par ailleurs pas toujours suffisante pour pallier leur réticence. Il résulte de toutes ces contraintes que le harcèlement moral n’est reconnu comme tel devant les tribunaux qu’à partir du moment où il a provoqué des troubles psychiques sévères, liés au comportement pervers caractérisé d’un supérieur hiérarchique et dans la mesure ou toutes les tentatives de médiation préalables de la gestion des ressources humaines ou des instances représentatives du personnel de l’entreprise ont échouées ou ont été absentes.
Les principaux risques
Le salarié conserve son équilibre psychique dans un environnement stressant avec une stratégie individuelle de défense de répression psychique, conduites addictives et somatisations. Certes, il y a souvent imbrication entre souffrance psychique due à des motifs privés ou familiaux et celle due aux conditions de travail, mais il est patent que le stress au travail ne fait alors qu’augmenter la pathologie éventuellement préexistante et la rendre avérée et invalidante.
En cas de stress, il y a mobilisation du système endocrinien face à cette agression ou menace, ce qui provoque à court et à long terme, une augmentation de la fréquence cardiaque, de la pression artérielle, de la sécrétion de cortisol, de catécholamines (dont l’adrénaline) ... avec effet sur anabolisme/catabolisme entraînant de nombreuses conséquences psychosomatiques.
- Atteintes physiques
Troubles musculo-squelettiques (douleurs des articulations et douleurs musculaires).
Troubles gastro-intestinaux (maux de ventre, douleurs et ulcères d’estomac).
Accidents cardiovasculaires et accidents vasculaires cérébraux (hypertension artérielle, palpitations cardiaques, cardiopathie coronarienne...).
Céphalées, migraines.
Hypercholestérolémie, diabète de type 2.
Crises d’asthme. - Atteintes psychiques
Fatigue et irritabilité chroniques
Troubles du sommeil
Bouffées de chaleur et hypersudation
Crises d’angoisse
Dysfonctionnement sexuel
Syndrome dépressif d'épuisement professionnel, le burn-out (comportement addictif à un travail)
Dépression majeure - Troubles du comportement
Réactions auto et hétéro agressives.
Troubles des conduites alimentaires (obésité).
Consommation accrue de médicaments.
Consommation accrue d’alcool, de tabac et autres substances psychotropes.
Isolement social (sédentarité, réduction des loisirs et des activités communautaires).
Difficulté d’apprentissage, performances réduites.
Mauvaises décisions, incohérences dans les actions, erreurs d’exécution.
Comportements à risque et actions suicidaires.
Apathie, démotivation complète.
Prévention du stress au travail
Le Code du travail fait obligation aux employeurs d’évaluer les risques professionnels, et d’ y remédier : cela concerne aussi les risques psychosociaux.
Diminuer la fréquence et la gravité des nuisances psychiques au travail relève de mesures techniques et organisationnelles lesquelles vont influer sur les attitudes individuelles de prise en compte des risques, de vigilance et de respect des règles de comportement au travail, principalement dans le domaine du management, afin d'en extraire toutes les déviances comportementales susceptibles d'altérer la cohésion du groupe de travail, ou l’équilibre psychologique d’un employé. C'est en connaissant puis en supprimant ou en abaissant les niveaux de nuisance des facteurs de stress qu'on évitera les troubles psychiques professionnels, en favorisant la mise en place d'un environnement psychologique moins menaçant.
Dans le cas de stress compassionnel ou de violence externe au travail, les facteurs de stress sont inhérents à la profession, et ils sont connus et généralement reconnus comme des risques professionnels. Au contraire, le harcèlement procède de l'isolement de la victime et le stress managérial est souvent l’objet d’un tabou ou d’un déni. Les mesures de prévention sont donc différentes selon le type de stress au travail.
- Cas du stress d’usure compassionnelle
Comme première stratégie, il est important de reconnaître le stress vicariant comme un risque inhérent à son milieu de travail et donc d’adopter des mesures d’information, de formation et de détection des troubles compassionnels.
Les troubles d’usure compassionnelle doivent être rapidement perçus par l'entourage de la victime et susciter de sa part une intervention. Il convient que la victime d'un traumatisme vicariant trouve du soutien social de la part de sa hiérarchie ou de ses collègues. La notion de soutien social - aide apportée par les collègues dans la réalisation des tâches et degré d’intégration dans le groupe et de cohésion sociale – est un modérateur puissant des effets du stress au travail.
Il est pertinent d’apprendre à gérer ce phénomène du traumatisme par personne interposée ou par procuration. Les intervenants médico-sociaux doivent sans cesse rajuster l’équilibre entre l’attention aux événements traumatisants et à leurs conséquences, la réponse thérapeutique ou sociale à leur donner et la distance qu’ils doivent prendre vis-à-vis cette situation pour assurer leur propre protection, consacrer à leur santé personnelle (participation à des activités de loisir) la même énergie et la même passion qu'à leur travail.
Il faut souligner l’importance des ressources personnelles et des capacités de réaction (stratégies individuelles d’adaptation), d’où la solution apportée par l’amélioration de celles-ci par la formation, par tout un ensemble de techniques (affirmation de soi – communication – biofeedback – méditation – gestion du temps – hygiène de vie....).
Le degré de stress sera fonction des ressources individuelles dont chacun dispose pour venir à bout des contraintes que lui oppose son environnement : l’état physiologique et psychologique influent très fortement sur les capacités de "faire face" : c’est le concept de coping : « ensemble des efforts cognitifs et comportementaux destinés à maîtriser, réduire ou tolérer les exigences internes ou externes qui menacent ou dépassent les ressources d’un individu ». - Cas du stress de la violence externe au travail
Dans les cas de violence externe, il est très important de prendre en considération la réalité d'un sentiment d'agression, même si la personne a tendance à minimiser ce sentiment ou à l'exagérer : certaines victimes d’agressions sévères et présentant des symptômes manifestes de choc psychologique peuvent dénier toute gravité de l’agression ; au contraire, des personnes très sensibles peuvent développer de forts sentiments d’ infériorité et d échec personnel si elles sont confrontées continuellement à des situations conflictuelles bénignes (chahuts et insolences des élèves dans les établissements d’enseignement par exemple) qui remettent en cause leur statut professionnel.
Des mesures préventives existent et permettent de pallier en partie toutes ces conséquences néfastes ; elles se classent en plusieurs catégories : formation du personnel, organisation du travail, conception et sécurisation des lieux de travail, prise en charge de la victime, rôles du médecin du travail et de la hiérarchie.
• La formation du personnel
Des techniques de dialogue et la communication contribuent à désamorcer les risques de violence.
Les entreprises doivent travailler à préparer et former leurs salariés confrontés souvent à des risques de violence externe pour qu'ils soient capables de gérer des relations conflictuelles potentiellement violentes. Assez souvent, hors les troubles psychopathologiques manifestes ou les états d’ébriété, si on a détecté le risque suffisamment tôt et si on influence par son comportement ou ses paroles l’agresseur potentiel, on peut-on éviter l'agression en obtenant son départ ou un compromis (qui peut être obtenu par le recours au bon moment au responsable hiérarchique).
La formation à la gestion des conflits et du stress destinées au personnel exposé (techniques de « coping », afin d'obtenir un meilleur contrôle émotionnel en situation d'agression) et la formation à la détection précoce des agresseurs potentiels (pour mieux désamorcer l'escalade de la violence) sont dispensés par des cabinets de conseil spécialisés.
• L’organisation du travail
Une organisation du travail mal gérée accroît l’agressivité des clients.
Il existe des organisations du travail qui favorisent l’émergence et le développement de la violence externe, celles qui :
- laissent des employés isolés face au public (aires de réception, de vente et de service à la clientèle à des endroits où les autres employés ne peuvent voir ce qui se passe ou à des horaires ou personne d’autre n’est sur place). Le travail au minimum en duo dans les situations à risques est fortement préconisé.
- entraînent des défauts de qualité fréquents en multipliant les clients non satisfaits : délais non tenus, erreurs dans la livraison des produits commandés, erreurs de facturation, manque de personnel aux guichets générant de longues files d’attente, contractuels précaires non qualifiés pour remplacer du personnel...
- délivrent des informations aux clients, verbalement ou par écrit, peu claires, incomplètes, ambiguës, erronées ou contradictoires en provenance de différents services.
- font certaines promesses commerciales excessives (réparation express, service "Zéro défaut", disponible 24h sur 24, 7j sur 7...) qui peuvent mettre les travailleurs en porte-à-faux vis-à-vis des clients et les obliger à assumer seuls les mécontentements dont ils ne sont pas responsables.
- ne laissent aucune marge de manœuvre pour négocier un dédommagement, une ristourne, un avoir, une reprise sans frais...
• La conception des lieux de travail concerne l'aménagement, la disposition, l'emploi d'affiches, le verrouillage ou les obstacles physiques, l'éclairage et la surveillance électronique.
Il n'existe pas de « solution type » de prévention ; les caractéristiques particulières de chaque environnement de travail doivent être prises en considération pour la conception et l’aménagement des locaux en fonction du risque d’agression.
- contrôle des accès, mise en place de sas d'entrée, installation d'écrans protecteurs
- mise en place d'équipements ou de dispositifs de protection collective (systèmes de vidéo- ou de radio-surveillance, dispositifs d'alarme et d'alerte, vitrages renforcés, détecteurs de métaux) ;
- caisse et coffre automatiques ;
- bonnes conditions matérielles de l'accueil (salle d’attente confortable, hôtesse prévenante, signalétique explicite...)
- éclairage adéquat, suffisant et à l’épreuve du vandalisme à l’extérieur.
• Prise en charge des victimes
L'entreprise confrontée à des risques fréquents de violence externe doit prévoir une procédure d'accompagnement et de prise en charge (psychologique, juridique) des victimes, afin de limiter les conséquences psychologiques de l'agression.
- « Débriefing », ou entretien individuel d'écoute, conduit tout de suite après l'agression pour faire revivre l'événement dans tous ses détails et dans tout ce qu'il a généré au niveau mental (émotions, pensées, sentiments variés et forts).
- Assistance des victimes lors des interrogatoires de la police.
- Suivi par des psychologues ou psychiatres, en relation avec des médecins du travail formés à ce genre d'intervention.
• Rôle du médecin du travail
Le médecin du travail est l'un des acteurs de la prévention de la violence au travail ;
Outre son rôle d'information et de sensibilisation des travailleurs ou de l'employeur confrontés à ce risque, il peut participer à l'élaboration de formations adaptées et d'une politique de sécurité, au niveau de l'entreprise ainsi qu'au niveau des postes de travail concernés. Il peut aider à mettre en place l'accompagnement et le suivi psychologique des victimes et être amené à pratiquer le « débriefing » individuel proposé à la victime immédiatement après l'agression.
Lorsqu'il y a eu un véritable traumatisme psychique, imposant un reclassement professionnel, le médecin du travail a à reconnaître le caractère de l'inaptitude, temporaire ou définitive.
Le médecin de santé au travail peut aider l'entreprise à élaborer et mettre à jour le Document Unique d'évaluation des risques professionnels : en effet, l'entreprise doit au préalable évaluer les risques encourus par les salariés exposés, notamment en précisant l'organisation générale de l'entreprise et en étudiant les postes concernés, la disposition des locaux, les horaires et les procédures de travail, afin d'identifier les principaux facteurs de risque d'agression.
• Rôle de la hiérarchie
La hiérarchie doit rassurer la victime et démontrer une grande capacité d’écoute : il est fondamental de rétablir un sentiment d’appartenance à l’équipe, car la victime va se sentir brutalement exclue de son contexte normal de travail. Une déclaration d’accident du travail est nécessaire, même en l’absence de blessure physique. La déclaration en accident de travail, systématique même sans arrêt, favorise la reconnaissance du choc émotionnel subi, permet d’assurer la prise en charge et donc la gestion de soins médicaux et psychologiques. - Cas du stress managérial
Les causes organisationnelles sont multiples (par exemple modes de gestion des ressources humaines et comportement spécifique des managers) : ainsi les actions de prévention seront nécessairement complexes à concevoir et lourdes à mettre en œuvre, mais d’abord il faut acquérir les connaissances et capacités à combiner les schémas explicatifs des phénomènes.
Repérer les indicateurs d’alerte de souffrance au travail chez les salariés :
augmentation de la fréquence et de la gravité des urgences sur le lieu du travail liées à des incidents conflictuels (actes de violence, bouffées délirantes, tentative de suicide ...) , de l’aggravation des indicateurs de santé négatifs (TMS - troubles cardio-vasculaires, dépression ...), hausse du taux d ’absentéisme, du turn-over.
Avoir une démarche d’analyse des symptômes, repérer les déterminants pour remonter aux causes organisationnelles et ne pas adopter une attitude de déni : mise en évidence des situations qui dépassent les capacités d’adaptation des individus, recherche objective d’un facteur psychologique ou sociologique ou économique auquel est associé, de façon significative et importante, un certain nombre de problèmes de santé mentale.
Le CHSCT peut proposer d’effectuer une enquête de psycho-dynamique du travail auprès du personnel pour étudier les déterminants de la souffrance générée par le travail lorsque les symptômes apparaissent au vu des indicateurs d’alerte.
Parmi les déterminants de la souffrance psychique, on note le plus souvent :
→ manque d’autonomie (et contrôle tatillon) mais aussi absence de prescription et démission de la part de la hiérarchie (contrôle seulement in fine et sur des critères flous ou arbitraires)
→ poids des logiques contradictoires (par exemple coûts et délais versus qualité, l’opérateur final devant les arbitrer...), des objectifs inatteignables
→ renvoi à l’individu et non au problème : traitement des situations stressantes par le ressenti (il faut s’adapter personnellement ...) plutôt que par la résolution du problème
→ hypersollicitation, poids, affirmé écrasant, de la logique de la loi du marché et de la concurrence, pression temporelle (Just in Time : « flux tendu » zéro panne, zéro délai, zéro papier, zéro stock et zéro défaut), l’urgence omniprésente.
→ changement permanent et à tout prix (d’organisation mais aussi de lieux ... casser les collectifs de travail existants)
→ absence d’intégration (ignorance du fonctionnement, des orientations et des résultats de l’entreprise), de reconnaissance des savoirs engagés au travail et des résultats obtenus (absence d’évaluation ou sous forme unique de sanctions, pas de récompenses)
Eliminer ou réduire l’influence des déterminants
Les débats au sein de l’organisation et les négociations entre les organes de gestion de l’entreprise (direction générale et des ressources humaines) et les institutions représentatives du personnel sont essentielles pour aboutir à des recommandations partagées, gage d’efficacité collective. Au terme de cette démarche, la conviction du management que l’organisation doit investir de façon préventive dans le bon état de santé psychologique des salariés doit être évidemment acquise.
Les actions les plus couramment engagées portent sur :
• La formation des managers (y compris DRH) est un enjeu essentiel si l’on veut soutenir des évolutions vers une meilleure prise en charge des risques psychosociaux par les dirigeants : il semble alors utile de travailler sur une meilleure mise en visibilité de l’ampleur du problème du stress, sur une approche des coûts des mauvaises conditions de travail, sur les conditions de sensibilisation au sein des entreprises.
• La modification des styles de leadership et les relations avec le supérieur (soutien, conflits) : ce sont des facteurs qui influencent directement le stress, et qui peuvent aussi être classés dans la catégorie des modérateurs. Le style de leadership influence en effet la clarté du rôle et des objectifs, le climat de travail, et la cohésion du groupe. Le besoin fort de reconnaissance et de soutien social doit s’accompagner de bonnes pratiques de sanction et récompense, basées sur une connaissance commune et une adhésion partagée aux objectifs et au type de fonctionnement de l’organisation, de façon aussi à obtenir un plus grand engagement raisonné des employés.
• La source principale de productivité de l’entreprise étant la motivation, celle-ci s' obtient par le biais d' une véritable adhésion de chacun à un processus de création de richesses : la compréhension de ces objectifs suppose une explication de leurs fondements, adaptée au public auquel il s’adresse (ouvriers, employés, techniciens, cadres) : mieux connaître les contraintes et enjeux économiques et leurs implications pour éviter la frustration des collaborateurs, expliquer les choix, et tenir compte des remarques en retour, dont celles concernant les conditions de travail ...
• Le fait d’avoir une vue d'ensemble et une compréhension des différentes opérations, pouvoir influencer la situation, les méthodes et la vitesse d'exécution contribue beaucoup à créer un environnement psychosocial et organisationnel du travail satisfaisant.
• La fixation d’objectifs qui peuvent certes être ambitieux, mais aussi réalistes,résultat d’un dialogue incluant les moyens pour y parvenir, tenant compte en particulier de l’évolution des contraintes extérieures à l’employé sur lesquelles il ne peut pas avoir d’action, déterminé à partir des éléments sous sa responsabilité effective : en effet, ne jamais atteindre ses objectifs non seulement démobilise, ce qui est le contraire du but recherché, mais aussi peut, chez certaines personnes plus fragiles, faire naître des sentiments intenses d’infériorité, de mésestime de soi qui peuvent engendrer une dépression.
• La formation des médecins du travail qui sont en première ligne au sujet de la santé psychique : fourniture d’outils d’analyse appropriés, amélioration de l’écoute de la souffrance, manières de collaborer étroitement avec l’encadrement dans l’entreprise sur ce sujet. Le médecin du travail peut alors jouer un rôle considérable d’engagement de l’entreprise dans la prévention des risques psychosociaux.
• La constitution de groupes de travail dédiés à la prévention du stress au travail : l’importance et la nécessité de la multidisciplinarité à la fois dans la recherche et dans l’action passe par la construction d’un réseau associant RH, chefs de services et d’ateliers, médecins et psychologues du travail, ergonomes, délégués du personnel, membres du CHSCT ... - Cas du stress du au harcèlement moral
La loi no 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale a introduit des dispositions pour contrer le harcèlement psychologique au travail.
Les employeurs ont donc l'obligation de fournir un milieu exempt de harcèlement et de faire cesser celui-ci lorsqu'il se manifeste.
L'employeur a un rôle majeur dans la violence subie au travail du fait de l'organisation du travail, des conditions de travail, des rapports entre individus et entre individu et hiérarchie. Le code du travail précise notamment que toute rupture d’un contrat de travail qui résulterait d’un harcèlement, serait nulle de plein droit.
Article L. 122-51 du Code du Travail
« Obligation de prévention des agissements de harcèlement moral à la charge de l’employeur »
La prévention consiste pour la direction de l’entreprise :
• à faire savoir qu’aucune attitude laxiste n’existera face à des agissements harceleurs,
• à repérer les comportements potentiellement pervers d’un supérieur hiérarchique et en discuter avec lui pour l’avertir des dérives à éviter,
• rompre l’isolement / écouter les plaintes du harcelé ou les témoignages (en particulier ceux des Délégués du Personnel dont une mission consiste à exercer toute action pour la protection de la santé des salariés et tout pouvoir de signalement), et utiliser les compétences et les attributions du médecin du travail.
• affirmer les compétences du CHSCT également dans le champ de la santé mentale. Celui-ci a un pouvoir d’investigation et peut avoir recours à un expert agréé.
Le Médecin du Travail doit prendre en charge la violence interne au travail :
• tout salarié peut solliciter une visite auprès de son médecin du travail
• il peut aider à transformer la situation de harcèlement en conflit qu'un dialogue pourra tenter de résoudre.
• Il peut alerter l'employeur d'une situation de violence à laquelle il faut remédier et engager le dialogue sur les conditions de travail générant des souffrances.
• Il peut poser le problème en CHSCT (comité d'hygiène et de sécurité et de conditions de travail) où il est débattu avec les représentants du personnel et l'employeur et améliorer l’information sur les problèmes de violence.
• Il peut aider le salarié à analyser, élaborer, délibérer et prendre des décisions qui concernent sa santé.
• il peut donner un avis d' inaptitude au poste de travail ( avec l' accord de l' intéressé) au cours d' un seul examen pour faire cesser une situation qu'il juge dangereuse pour la santé de l' individu: il utilise la procédure urgente de déclaration d 'inaptitude en cas de danger immédiat pour l' intéressé ou les tiers. Code du Travail, article R 241-51-1. Le salarié sera reclassé ou licencié pour inaptitude On évite ainsi une démission voire un licenciement pour faute grave ou lourde.
L'inspecteur du travail peut intervenir en cas de conflit, et sur des demandes d’intervention par écrit des victimes de harcèlement.
Août 2009
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