Dans les entreprises, de nombreuses enquêtes font état d’une hausse constante de la fréquence et de l’intensité des facteurs de stress. Certaines méthodes de management utilisées aujourd'hui provoquent des risques psychosociaux en augmentation, qui nuisent à la fois à la santé des travailleurs et à l’efficacité de l’entreprise. Le contexte entrepreneurial est de plus en plus concurrentiel, avec des critères de rentabilité de plus en plus exigeants, et, pour respecter les contraintes économiques et financières, les systèmes organisationnels se complexifient, demandent une grande réactivité et peuvent aisément devenir pathogènes et conduire à du harcèlement moral avec des abus d’autorité totalement irrespectueux de la personne. Mais le harcèlement moral (mobbing) peut être provoqué aussi par des comportements individuels pervers de responsables hiérarchiques ou de collègues...
Dans les entreprises, de nombreuses enquêtes font état d’une hausse constante de la fréquence et de l’intensité des facteurs de stress.
Certaines méthodes de management utilisées aujourd'hui provoquent des risques psychosociaux en augmentation, qui nuisent à la fois à la santé des travailleurs et à l’efficacité de l’entreprise. Le contexte entrepreneurial est de plus en plus concurrentiel, avec des critères de rentabilité de plus en plus exigeants, et, pour respecter les contraintes économiques et financières, les systèmes organisationnels se complexifient, demandent une grande réactivité et peuvent aisément devenir pathogènes et conduire à du harcèlement moral avec des abus d’autorité totalement irrespectueux de la personne.
Mais le harcèlement moral (mobbing) peut être provoqué aussi par des comportements individuels pervers de responsables hiérarchiques ou de collègues, c'est-à-dire toutes les manœuvres effectuées de manière répétée et sur une certaine durée, ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité de la personne.
Dans la pratique, savoir distinguer ce qui relève d’une pratique managériale excessive du harcèlement moral est parfois malaisé.
Certaines formes d'organisations du travail provoquent par elles-mêmes le harcèlement et la violence au travail (management par la punition, la peur...). Toutefois, le stress du harcèlement moral individuel se distingue de celui lié aux mauvaises conditions de travail générales, car celles-ci concernent tous les salariés ; il se distingue aussi des avertissements ponctuels verbaux ou écrits à un salarié dans l’exercice normal de l’autorité hiérarchique, qui sont argumentés, qui portent sur des faits liés à l’exécution du travail et peuvent être discutés, réfutés par manque de preuve ou de pertinence.... Or, le harcèlement moral est ici le fait d’un supérieur hiérarchique (ou, rarement d’un collègue) ayant une personnalité obsessionnelle ou perverse dans un but gratuit de destruction d’autrui et de valorisation de son propre pouvoir, et ces agissements ne visent pas à l’amélioration objective du travail. Mais il peut s’agir aussi de manœuvres conscientes d’intimidation pour obtenir la démission volontaire et contourner ainsi les règles du licenciement, et on se rapproche alors du harcèlement managérial.
Le harcèlement moral consiste à isoler le salarié, à le persécuter par la surveillance obsessionnelle de tous ses faits et gestes, à déqualifier sans raison son poste, à le surcharger ou au contraire à le sous-charger abusivement, à lui adresser constamment des reproches de type punitif visant sa personnalité, à exiger sans cesse des justifications, à afficher du mépris et à l’humilier publiquement ...
Il convient d'être attentif à tout indicateur qui pourrait révéler une situation de harcèlement : des conflits personnels répétés, la récurrence de plaintes de la part des salariés ou encore l'éclosion de violences physiques au sein de l'entreprise.
Certaines enquêtes mesurent jusqu’à 30% le nombre de salariés estimant avoir été harcelés au travail : cette fréquence impressionnante doit être nuancée compte tenu que le terme est flou et qu’il est difficile de cerner ce qui est la réalité des cas. Il n’y a pas de pathologie psychologique spécifique due au harcèlement puisqu’il s’agit d’un éprouvé subjectif, et des troubles paranoïaques (sentiments de persécution imaginaires) ou des menées manipulatrices à l’encontre d’un chef de manière à lui porter préjudice, peuvent invalider l’accusation de la personne se prétendant harcelée.
Toutefois, même en tenant compte de ces remarques, le phénomène semble très répandu, et on observe une multiplication des poursuites pénales au motif de harcèlement moral, qui posent souvent des problèmes complexes d’imputabilité et de réalité des plaintes avec pour conséquence l’aboutissement de peu de procédures : comme le harcèlement moral pose souvent de sérieux problèmes de preuves, il vaut mieux prévenir tout comportement harceleur par une politique de prévention qui en dissuade les auteurs potentiels, qui s’exposent à des sanctions nécessairement associées à une faute grave (mutation, suspension temporaire, voire licenciement).
La confirmation de la réalité croissante des atteintes à la santé psychique et de ses effets somatiques par le harcèlement moral (maladies cardio-vasculaires, troubles musculo-squelettiques, troubles gastro-intestinaux, états d’anxiété et dépressifs...) constitue une alerte majeure de santé au travail, puisque beaucoup d’arrêts maladie en serait imputable, directement ou indirectement, et justifie une politique de prévention déterminée, obligation à la charge de l’employeur.
Caractéristiques du harcèlement moral au travail
Le harcèlement moral au travail a de tout temps existé, mais il n’est plus toléré, et la loi de modernisation sociale de 2002 a introduit la notion dans le code du travail à l'article L1152-1 (ancien article L122-49) qui définit le harcèlement moral et sert de base aux poursuites civiles ou pénales : le harcèlement moral est un « ensemble d’agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Il faut que les agissements à caractère abusif soient répétés, insistants, et concerne une personne en particulier, car tous les comportements agressifs, tous les conflits, toutes les pressions ne relèvent pas du harcèlement moral : il ne suffit pas que la victime se sente harcelée du fait de l'exercice de l'autorité d’un supérieur hiérarchique pour l’être vraiment sur un plan juridique et il faut ainsi distinguer le harcèlement moral de la souffrance mentale au travail.
Les agissements abusifs constitutifs de harcèlement moral peuvent être :
- clairement intentionnels, par exemple acculer un salarié à la démission en contournant les procédures légales de licenciement (motif économique ou inaptitude médicale en particulier) et ses conséquences financières ou satisfaire les volontés narcissiques perverses d’un supérieur, ou consécutifs à des refus d’avances sexuelles...
- beaucoup moins évidents lorsqu’il s’agit d’une pratique excessive de surveillance et de contrôle du salarié, assortis de systèmes de punition sanctionnant systématiquement les insuffisances ou erreurs supposées, sans fournir d’objectifs clairs, précis et atteignables, ni chercher les raisons objectives des échecs, sans procurer non plus les moyens et outils pour réussir, en stigmatisant injustement la qualité de son travail par rapport à celui de ses collègues...
Les cas de harcèlement moral au travail avérés sont :
- Soit le fait d'un supérieur hiérarchique (ou, rarement d’un collègue) harceleur aux comportements pervers qui agit dans un but gratuit de destruction d’autrui et de valorisation de son propre pouvoir, sans viser à l’amélioration objective du travail (par exemple en ordonnant constamment des taches impossibles à effectuer, en exigeant des délais absurdes, en fixant systématiquement des objectifs inatteignables...). Dans ce cas, le harcèlement moral se caractérise souvent par la surveillance obsessionnelle de tous les faits et gestes de la victime, consiste à déqualifier sans raison son poste, à surcharger ou au contraire à sous-charger abusivement, à adresser constamment des reproches de type punitif visant sa personnalité (sexuelle, raciale, religieuse, vie privée...), à exiger sans cesse des justifications tatillonnes.
- Soit, plus souvent, le caractère harcelant de méthodes managériales d’un supérieur se traduisant par des pressions individuelles incessantes et injustes, des ordres contradictoires, des évaluations méprisantes ou humiliantes y compris en public, des mises à l'écart punitives, des menaces constantes sur l’emploi, des objectifs fluctuants, avec des règles floues... Pour qualifier alors cette forme de management de harcèlement moral, il faut que la persécution soit individuelle et non collective, que le harceleur décide seul du contenu et des formes de son autorité, sans référence à des éléments objectifs incontestables. Le harcèlement moral se distingue ainsi du stress lié aux mauvaises conditions de travail générales qui concernent tous les salariés, ou aux avertissements ponctuels verbaux ou écrits à un salarié qui sont argumentés, portent sur des faits liés à l’exécution du travail et peuvent être discutés, réfutés par manque de preuve ou de pertinence, en se référant au règlement intérieur, à des objectifs qualitatifs ou quantitatifs clairs, connus, réalistes.... Le harcèlement moral se concrétise alors lorsque se manifestent des signaux d’intentionnalité malveillante et individualisée, parmi lesquels l’ignorance ou le mépris des indicateurs d’alerte de souffrance au travail du salarié.
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Ou bien encore, au sein d'une équipe qui isole un bouc émissaire (mobbing de groupe), par exemple en empêchant la personne de s'exprimer, en l'interrompant continuellement en réunion, en la ridiculisant de manière systématique, en dissimulant l'information nécessaire à l'exécution de son travail, en médisant d'elle, en la calomniant ou en propageant des rumeurs non-fondées à son sujet....
Les membres du groupe, manipulés par leur leader et/ou ayant besoin d’un exutoire à leur propre stress ou eux-mêmes apeurés, adoptent des attitudes de plus en plus négatives à l’encontre de la personne harcelée, recherchant avant tout une cohésion de groupe et perdant leur indépendance d’esprit ainsi que leurs capacités critiques en évitant de contredire les opinions majoritaires, aboutissant tous à une perception stéréotypée de la victime : ils deviennent au mieux des spectateurs et au pire de persécuteurs eux-mêmes. Les rivalités entre collègues, les jalousies exacerbées par le contexte malsain sont aussi des motifs cette fois-ci conscients de harcèlement moral « horizontal ». - Un harceleur peut lui-même être l’objet d’un harcèlement par son supérieur selon un classique phénomène de transfert : les comportements pathogènes se transmettent tout au long de la ligne hiérarchique dans les cas d’organisations ou domine le management par la domination et la soumission rigoureuses, par la peur, le chantage à l’emploi, en se transformant en harcèlement avéré selon le profil psychologique de chaque individu. Les pressions sociales de conformité, et l'imitation sociale ont un effet important sur le comportement individuel.
Compte tenu de la complexité des relations humaines au travail, la provocation, la manipulation dans le but de nuire à son chef, l’exagération paranoïaque de la part de la victime sont des éléments délicats à apprécier, si bien qu’en pratique, des faits précis, certifiés par des témoins (agressions verbales, altercations et brimades constantes, refus total de dialogue, travaux inutiles ou sans rapport avec la qualification...), la survenue brutale fréquente de lésions (malaise, crise de larmes, perte brutale du contrôle émotionnel, tentative de suicide au travail) constituent un dossier de présomption, mais l’imputabilité à des conséquences d’un harcèlement moral reste souvent sujette à caution.
C’est pourquoi concrètement, il convient de lister les conditions dans lesquelles il y a peu de contestation possible :
- Répétition, insistance et durabilité de paroles, gestes méprisants, humiliants, dévalorisants, notamment en public, en lien ou non avec le travail : le harcèlement moral désigne alors des situations dans lesquelles une personne est victime de comportements répétés et insistants, verbaux, non verbaux, sans pour autant que ces comportements soient par ailleurs considérés isolément comme des délits, à la différence de l’agression physique qui est constituée de voies de fait (coups et blessures).
Un harcèlement moral peut donc être le fait de propos ou d’attitudes fréquentes et répétées, sans caractère de gravité ponctuellement : des plaisanteries douteuses sur l’apparence physique, l’appartenance ethnique ou religieuse sont évidemment des marques de harcèlement moral si elles sont constantes, des bourrades systématiques pour pousser un salarié hors de son poste de travail pour lui montrer comment bien faire en assortissant le geste d’insultes, siffler un subordonné pour l’appeler sans lui dire bonjour, utiliser un surnom ridicule... -
Usage du pouvoir hiérarchique destiné à dominer pour se rassurer en rabaissant autrui pour acquérir une bonne estime de soi sous prétexte managérial. L’évaluation du travail fourni est consubstantiel des relations d’autorité dans une entreprise aux contraintes de rentabilité, de compétitivité et de satisfaction de la clientèle et l’utilisation du pouvoir disciplinaire à bon escient n’est pas un acte de harcèlement, si le but est d’agir directement sur les performances du travailleur en lui fournissant un feedback régulier et approprié.
Il s'agit de harcèlement moral lorsque cette pratique de l’autorité est totalement irrespectueuse des individus et surtout sans rapport avec la réalité et démesurée par rapport à celle utilisée avec les autres salariés.
L’imagination des pervers est sans limite dans ce domaine et les persécutions peuvent être multiples et variées :
• critiques incessantes dévalorisantes sur la qualité et/ou la quantité de travail sans justification objective. Ceci peut s’accompagner de tactiques délibérées de mise en échec : taches ou missions au dessus des compétences, privation d’informations ou d’outils de travail adaptés, mise en scène de fautes ou d’erreurs imaginaires...
• brimades disciplinaires, sanctions humiliantes pour des motifs futiles ou inexistants : avertissements écrits avec AR envoyés au domicile, dates de vacances souvent modifiées au dernier moment ou placées systématiquement en dehors des vacances scolaires pour une mère de famille, ...
• surveillance exagérée, obsessionnelle du travail : écoute des communications téléphoniques, fouille du bureau et des vestiaires, contrôle minutieux de la durée des pauses et du passage aux toilettes, annotation maniaque des moindres faits et gestes, ...
• conditions de travail dégradantes : tâches inutiles ou irréalisables ou dévalorisantes, ordres et contre-ordres incessants, consignes et délais de réalisation absurdes ou inexistants, surcharge ou sous-charge massives...
Un cas particulier est celui des objectifs de vente irréalistes des agents commerciaux, fixés consciemment pour mettre en situation d’échec permanent : la difficulté de l’objectif n’est plus motivante et totalement décourageante lorsque l’objectif est trop ambitieux pour être atteint. Des échecs flagrants et répétés accompagnés de reproches violents et incessants entrainent une perte de l’estime de soi, pouvant avoir des retentissements psychologiques dramatiques. - Isolement du travailleur : exclure une personne du groupe de travail est une manière de la faire disparaître sur un plan psychologique. C’est une forme fréquente de harcèlement moral, parfois en accord tacite, voire actif de l’équipe : refus de toute communication orale en n’utilisant que des post-it, des emails, absence de convocation aux réunions, privation des outils de communication (téléphone, ordinateur, accès aux bases de données de l’entreprise...), bureau à l’écart, insalubre ou supprimé, horaires différents sans raison...
Les harceleurs, hormis ceux qui agissent exprès pour obtenir une démission, ne sont pas bien conscients de l’agression que représente leur comportement et ne s'estiment pas coupables d'une quelconque faute. Ils ont des personnalités très rigides, voire pathologiques, les empêchant de se remettre en cause, et ont généralement une attitude de déni, rationalisant leurs attitudes : nécessité d’un management ferme, sanctionner pour améliorer, affabulation de la victime, et pour un groupe, plaisanter de temps en temps pour entretenir l’esprit d’équipe, allégations d’absence de gravité.
La réglementation du harcèlement moral au travail
Le harcèlement moral est considéré comme un délit réprimé par le Code du Travail et leurs auteurs s’exposent à des sanctions nécessairement associées à une faute grave (mutation, suspension temporaire, voire licenciement).
"Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel."
L'Article L1154-1 du code du travail établit les règles de preuve concernant le harcèlement moral : il prévoit que le salarié concerné établit les faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. La Direction de l’entreprise, au vu de ces éléments, doit prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
De plus, la loi assure la protection non seulement des victimes, mais des témoins et des personnes ayant relaté des faits constituant un harcèlement moral (Article L1152-2).
Enfin, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles précédents est nulle (Article L1152-3).
L’article L1152-4 du code du travail impose au chef d'entreprise de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements constitutifs de harcèlement moral et de faire cesser toute relation hiérarchique harceleuse : la responsabilité de l'employeur, et pas seulement du harceleur si celui-ci n’est pas le chef d’entreprise lui-même, est engagée s’il y a eu tolérance ou complicité envers un harceleur souvent sous prétexte d’un objectif managérial.
Les employeurs ont donc l'obligation de fournir un milieu exempt de harcèlement et de faire cesser celui-ci lorsqu'il se manifeste.
La définition juridique du harcèlement moral, repose sur l’atteinte à la dignité, la durée et la récurrence des faits et exige de la victime les preuves d'avoir été harcelé moralement.
Des « faits accidentels » précis, certifiés par des témoins (agressions physiques ou verbales, altercations et brimades constantes, refus total de dialogue...), la survenue brutale fréquente de « lésions » (malaise, crise de larmes, perte brutale du contrôle émotionnel, tentative de suicide au travail) constituent un dossier de présomption.
Parmi les éléments probatoires :
- Attestations de tiers, anciens salariés ou non, témoignant d’actes répétés de violence morale ou physique.
- Preuves matérielles de mesures vexatoires.
- Ecrits humiliants de l’employeur (lettres, emails), sanctions disciplinaires injustifiées...
- Attestation médicale faisant mention de la souffrance mentale, des soins médicaux, des conséquences (arrêts de travail, etc....).
Les actions possibles pour l’obtention de reconnaissance, de qualification et de réparation du préjudice causé par le harcèlement moral au travail sont de la compétence du tribunal des prudhommes, pouvant notamment taxer un licenciement de nullité et ouvrir droit à réintégration et/ou indemnités.
Les salariés victimes ou témoins de harcèlement moral peuvent saisir l'inspection du travail, le médecin du travail, les représentants du personnel dans l’entreprise, ou une organisation syndicale.
Les atteintes à la dignité, la durée et la récurrence des faits, la réalité et la portée des pressions et des menaces, sont souvent difficiles à définir et/ou à prouver devant les instances juridiques, et les procédures sont rares par rapport au nombre des délits de cette nature :
- Souvent les témoins de harcèlement se défilent, soit qu’ils considèrent que les faits qu’ils connaissent sont normaux dans le cadre des relations de travail, soit pour ne pas détériorer le climat général de travail à la seule vue d’éléments incertains, soit par peur de représailles hiérarchiques. Ainsi, il faut souligner que l’interdiction légale de mesures discriminatoires à l’encontre des témoins n’est pas toujours suffisante pour pallier leur réticence.
- Les témoignages s'ils existent, pris isolément et ne rendant compte que d’une petite partie des agissements, relatent des faits semblant anodins, sachant que la discrétion est généralement de mise dans ce domaine,
- La provocation, la manipulation, l’exagération paranoïaque de la part de la victime sont des éléments délicats à apprécier.
Il résulte de toutes ces contraintes que le harcèlement moral n’est reconnu comme tel devant les tribunaux qu’à partir du moment où il a provoqué des troubles psychiques sévères, liés au comportement pervers caractérisé d’un supérieur hiérarchique et dans la mesure ou toutes les tentatives de médiation préalables de la gestion des ressources humaines ou des instances représentatives du personnel de l’entreprise ont échouées ou ont été absentes.
C’est pourquoi l’ensemble législatif a surtout une valeur dissuasive, vient en soutien d’une politique de prévention, afin que les auteurs potentiels évitent d’adopter de tels comportements de harcèlement, perdent l'impression d'impunité complète et ne puissent se prévaloir de leur bonne foi. Par ailleurs, la simple évocation de démarche juridique de connaissance et de reconnaissance du harcèlement moral permet souvent de faire cesser le processus.
Une action au tribunal pénal est aussi possible pour un dossier comportant des preuves de faits graves de harcèlement (par exemple accompagnés de manœuvres explicites d’intimidation, d’agressions physiques...).
Les conséquences psychosomatiques du harcèlement moral au travail
Des manifestations de harcèlement répétées pendant longtemps affectent gravement la personne dans sa santé.
Comme le harcèlement sexuel, qui peut d’ailleurs être concomitant ou préalable au harcèlement moral, les victimes de harcèlement moral souffrent très longtemps des conséquences de l'expérience humiliante qu'elles ont vécue, car elles sont atteintes dans leur amour propre, perdent l’estime de soi et leur confiance envers autrui.
Les symptômes correspondent à ceux du stress excessif avec de nombreuses conséquences psychosomatiques :
- Atteintes physiques
Troubles gastro-intestinaux (maux de ventre, douleurs et ulcères d’estomac). Troubles cardiovasculaires (hypertension artérielle, palpitations cardiaques, ...). Céphalées, migraines.
- Atteintes psychiques
Fatigue et irritabilité chroniques
Troubles du sommeil
Bouffées de chaleur et hypersudation
Crises d’angoisse
Dysfonctionnement hormonal et sexuel
Dépression majeure
- Troubles du comportement
Réactions auto et hétéro agressives.
Troubles des conduites alimentaires (obésité).
Consommation accrue de médicaments, notamment anxiolytiques. Consommation accrue d’alcool, de tabac et autres substances psychotropes. Actions suicidaires.
L’évolution des symptômes va d’une phase d’alerte avec des signes d’anxiété, des troubles du sommeil, une élévation de la tension artérielle, des douleurs gastriques...à une phase ou les troubles psychiques de névrose traumatique se manifestent (retrait social, bouffées d’angoisse, désespoir, gestes auto ou hétéro agressifs, dépression...).
Les mesures préventives du harcèlement moral au travail
L'employeur a un rôle majeur dans la violence subie au travail du fait de l'organisation du travail, des conditions de travail, des rapports entre individus et entre individu et hiérarchie.
La prévention consiste pour la direction de l’entreprise :
- à faire savoir qu’aucune attitude laxiste n’existera face à des agissements harceleurs,
- à repérer les comportements potentiellement pervers d’un supérieur hiérarchique et en discuter avec lui pour l’avertir des dérives à éviter,
- rompre l’isolement / écouter les plaintes du harcelé ou les témoignages (en particulier ceux des Délégués du Personnel dont une mission consiste à exercer toute action pour la protection de la santé des salariés et tout pouvoir de signalement), et utiliser les compétences et les attributions du médecin du travail.
- affirmer les compétences du CHSCT également dans le champ de la santé mentale. Celui-ci a un pouvoir d’investigation et peut avoir recours à un expert agréé.
Des mesures de prévention bien appliquées du harcèlement moral au travail sont efficaces, et, de ce fait, elles permettent d’éviter le plus possible les procédures judiciaires, tant elles sont délicates de part le recueil de preuves à charge et rendent malsain le climat professionnel (enquêtes, témoignages et contre-témoignages, suspicions et supputations diverses ou règlements de comptes personnels...).
Ces mesures de prévention comportent des aspects réglementaires, d’information, d’organisation, et de gestion des plaintes.
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Les mesures réglementaires
Les responsables d’entreprise ont l’obligation légale de prendre des mesures pour prévenir le harcèlement moral et le faire cesser si des cas se produisent.
Les conventions collectives de travail doivent comporter une déclaration de principe concernant le harcèlement moral et des sanctions disciplinaires qui peuvent être prises.
L’employeur doit veiller à ce que tout harcèlement dont il a connaissance cesse immédiatement en prenant des mesures adéquates à l’égard du harceleur.
Dans les entreprises et les établissements de 20 salariés et plus, les dispositions relatives au harcèlement moral dans les relations de travail doivent figurer dans le règlement intérieur, et c’est l’occasion pour le DRH d’évoquer le sujet avec les salariés. Ces dispositions doivent être affichées sur le lieu de travail. -
Les mesures d’information
Les mesures d’information sont fondamentales, pour bien préciser à l’encadrement et aux autres membres de l’entreprise ce qui relève du harcèlement moral, détailler les comportements, gestes et propos inacceptables, signifier les sanctions potentielles et indiquer les procédures de plainte.
C’est ainsi qu’avec des messages clairs, on lève les ambigüités, les malentendus, les tabous si fréquents en matière de relations interpersonnelles, et propices aux dénis (affirmations de normalité, d’absence de gravité, d’affabulations), aux attitudes dilatoires (évocations de malveillance).
Des activités de sensibilisation et des formations en matière de harcèlement moral (notamment des cadres et des membres du CHSCT) doivent être organisées sous forme de campagne, avec l’aide éventuelle de conseils extérieurs de gestion des ressources humaines, et la constitution de groupes de travail dédiés à la prévention du harcèlement au travail : l’importance et la nécessité de la multidisciplinarité à la fois dans la recherche et dans l’action passe par la construction d’un réseau associant RH, chefs de services et d’ateliers, médecins et psychologues du travail, délégués du personnel, membres du CHSCT...
C’est parce les harceleurs potentiels sentent que leur comportement éventuel est remis en question dans leur environnement de travail, qu’ils s’abstiendront d’adopter des conduites inappropriées, qu’ils auraient eu si cela était considéré comme naturel, normal, conféré par la supériorité, avec un sentiment d’impunité.
Quant aux victimes, se sachant protégées et dans leur droit, elles hésiteront moins à protester, à se référer immédiatement au règlement, sans acrimonie ni jugement de valeur pour ne pas vexer et maintenir des bons rapports professionnels, ce qui suffit la plupart du temps à décourager le harceleur.
En ce qui concerne les témoins, notamment les collègues du harceleur, ils peuvent désamorcer beaucoup de situations en faisant savoir de manière claire et franche à leur pair que son comportement leur semble déplacé et qu’il a intérêt à cesser ces agissements avant qu’il ne soit trop tard.
Seuls subsisteront les cas peu fréquents liés à des personnes narcissiques, obsédées ou perverses qui ne peuvent pas résister à leurs pulsions. -
Les mesures organisationnelles
Beaucoup de causes favorisant le harcèlement moral sur le lieu de travail résident dans l’organisation du travail et la conception des tâches, dans le style de gestion du personnel.
Aussi des améliorations dans le management par des mesures organisationnelles doivent être entreprises pour éliminer les situations qui peuvent engendrer du harcèlement et parmi celles-ci :
• La formation des managers (y compris DRH) est un enjeu essentiel si l’on veut soutenir des évolutions vers une meilleure prise en charge des risques psychosociaux par les dirigeants : il semble alors utile de travailler sur l’ampleur du problème du stress lié au harcèlement au sein de l’entreprise. Cela permet de veiller à ce que l’encadrement soit capable de gérer les conflits pouvant survenir dans les équipes et déceler très tôt les prémices de harcèlement moral.
• La modification des styles de leadership et les relations avec le supérieur (soutien, conflits) : ce sont des facteurs qui influencent directement les comportements de harcèlement moral.
• La fixation d’objectifs qui peuvent certes être ambitieux, mais aussi réalistes, résultat d’un dialogue incluant les moyens pour y parvenir, tenant compte en particulier de l’évolution des contraintes extérieures à l’employé sur lesquelles il ne peut pas avoir d’action, déterminé à partir des éléments sous sa responsabilité effective : en effet, ne jamais atteindre ses objectifs non seulement démobilise, ce qui est le contraire du but recherché, mais aussi peut, chez certaines personnes plus fragiles, faire naître des sentiments intenses d’infériorité, de mésestime de soi qui peuvent engendrer une dépression. -
La gestion des plaintes de harcèlement moral
Etablir une procédure claire destinée à recevoir et à enquêter sur les plaintes et veiller à ce que les plaintes soient traitées au travers de cette procédure est un gage de réussite de la prévention. La solution doit être trouvée en toute priorité au sein de l’entreprise, pour éviter la voie traumatisante et incertaine de la procédure judiciaire.
Si la victime de harcèlement moral ne peut faire cesser les agissements, elle doit pouvoir choisir une procédure informelle de traitement de sa plainte, toujours préférable, ou une procédure formelle en vue d’obtenir un jugement et des réparations si elle pense que les faits sont suffisamment graves et étayés.
Dans la procédure informelle, elle peut s’adresser :
• directement au harceleur présumé, avec le soutien d’un collègue ou d’un représentant du personnel ou un délégué syndical, en l’informant que son comportement est violent et qu’il doit cesser (mise en place une procédure de médiation en accord entre les deux parties).
• indirectement, avec les mêmes soutiens, au supérieur hiérarchique du harceleur, à la Direction des Ressources Humaines ou au Médecin du Travail, qui mèneront leur enquête, qui informeront le harceleur présumé de cette plainte, et l’enjoindront à modifier son comportement éventuellement délictueux.
Dans la procédure formelle, les délégués du personnel disposent d’un droit d’alerte en cas de harcèlement moral. Ils peuvent saisir l’employeur qui doit procéder sans délai à une enquête et mettre fin à cette situation. À défaut, le salarié ou le délégué, avec son accord, peut saisir le référé prud’homal.
L'inspecteur du travail peut intervenir en cas de conflit, et sur des demandes d’intervention par écrit des victimes de harcèlement. -
Le rôle du Médecin du Travail
Le Médecin du Travail a un rôle prééminent dans la prise en charge du harcèlement moral au travail :
• Tout salarié peut solliciter une visite auprès de son médecin du travail.
• Il peut aider à transformer la situation de harcèlement en conflit qu'un dialogue pourra tenter de résoudre.
• Il peut alerter l'employeur d'une situation de violence à laquelle il faut remédier et engager le dialogue sur les conditions de travail générant des souffrances.
• Il peut poser le problème en CHSCT (comité d'hygiène et de sécurité et de conditions de travail) où il est débattu avec les représentants du personnel et l'employeur et améliorer l’information sur les problèmes de violence au travail.
• Il peut aider le salarié à analyser, élaborer, délibérer et prendre des décisions qui concernent sa santé.
• Il peut donner un avis d'inaptitude au poste de travail (avec l'accord de l'intéressé) au cours d'un examen pour faire cesser une situation qu'il juge dangereuse pour la santé de l'individu, et demander un reclassement ou une mutation. -
Le rôle du CHSCT
Le CHSCT, dans son rôle d’analyse et de veille des risques professionnels, d’application de la réglementation, peut détecter un climat relationnel délétère et de nombreux cas de harcèlements moraux potentiels et faire des propositions d’actions de prévention, mettre en place des indicateurs de santé psychologique, déclencher le droit d'alerte et faire appel à des expertises externes : le recours à une expertise peut concerner les risques psychologiques (stress managérial, organisation pathogène...). Dans un climat généralement tendu et passionnel, seule une expertise extérieure est susceptible de créer des espaces de dialogue pour favoriser la compréhension et trouver des aménagements acceptables, notamment pour le diagnostic approfondi qui demande des compétences particulières et des garanties d’impartialité.
C’est ainsi que le CHSCT peut proposer, par exemple, d’effectuer une enquête de psycho-dynamique du travail auprès du personnel pour étudier les déterminants de la souffrance générée par le travail lorsque les symptômes apparaissent au vu des indicateurs d’alerte sur le lieu du travail liés à des incidents conflictuels (actes de violence, bouffées délirantes, tentatives de suicide ...) , de l’aggravation des indicateurs de santé négatifs (troubles cardio-vasculaires, gastriques, dépressions nerveuses...), hausse du taux d ’absentéisme, du turn-over... pour mettre en évidence des situations de harcèlement moral.
Mars 2012
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21/03/2021