Le personnel infirmier est confronté à de nombreux risques professionnels, biologiques évidemment du fait de sa proximité avec des malades, mais aussi physiques, telles les lombalgies dues à la manipulation de patients alités, chimiques par contact avec des produits ou instruments médicaux, psychologiques enfin par côtoiement constant avec des personnes souffrantes et parfois violentes dans les cas de malades mentaux.
Ces risques sont aggravés par des conditions de travail stressantes, comme le travail de nuit ou isolé dans le cas d’un exercice de la profession à domicile. Des mesures de prévention permettent de réduire notablement tous ces risques, comme par exemple :
- l’hygiène personnelle (port de moyens de protection individuelle, hygiène des mains,....),
- la conduite adaptée à tenir en cas d’accident d’exposition au sang (AES),
- l’utilisation de matériels de sécurité (seringues, …),
- la bonne utilisation et élimination des dispositifs piquants ou tranchants et des déchets,
- une formation aux gestes et postures et des stages de développement des capacités de faire face à la violence et à la souffrance,
- une surveillance médicale renforcée et la vaccination du personnel soignant …
Les situations à risques des soins infirmiers
- Le risque infectieux
Le risque infectieux nosocomial est présent dans tous actes de soin et d’entretien réalisés par le personnel infirmier et aide-soignant.
Les infections peuvent se propager, par exemple, à travers des aiguilles de seringues ou des blessures provoquées par d'autres outils médicaux tranchants.
Le risque de transmission d'agents infectieux concerne l'ensemble des germes véhiculés par le sang ou les liquides biologiques du patient.
Tout contact avec du sang ou un liquide biologique sur une peau lésée par une effraction cutanée (piqûre ou coupure) ou une projection sur une muqueuse (œil, bouche) est potentiellement contaminant.
Ces accidents fréquents touchent particulièrement le personnel de santé lors de la réalisation de soins plus ou moins invasifs mettant en jeu différents liquides biologiques (sang en premier lieu, mais aussi liquides céphalorachidien, gastrique ou pleural...).
Les agents pathogènes quels qu'ils soient (bactéries, virus, parasites, champignons) sont susceptibles de se transmettre de cette façon au personnel soignant et il convient d’être absolument vigilant dans tous les cas, car une sérologie positive peut être méconnue des patients eux-mêmes.
Le risque infectieux peut aussi survenir, plus rarement, par contact direct avec des personnes atteintes de maladies infectieuses, en particulier pulmonaires, ORL ou cutanées ou lors des soins de nursing (selles et urine de la toilette intime …), ou lors d’agressions physiques de malades agités (morsures, griffures).
- Le risque allergique
Des affections professionnelles allergiques provoquées par les protéines du latex sont rencontrées lors d’utilisation d’équipements médicaux en caoutchouc naturel (exemple : gants chirurgicaux), ainsi que des lésions eczématiformes (ou bien dermatoses irritatives) aux mains par exemple, dues à l’usage répété de désinfectants et détergents.
Les professions de santé peuvent être aussi allergiques aux nickel de certains instruments médicaux tels les ciseaux ou pinces, aux résines époxydiques des tubulures mais aussi à certains antiseptiques (ammoniums quaternaires), certains antibiotiques (notamment la streptomycine, la néomycine, les pénicillines et céphalosporines) ou neuroleptiques (chlorpromazine) qu’ils manipulent lors de l’administration des traitements.
Les topiques et pansements utilisés par le personnel infirmier peuvent contenir des substances irritantes ou sensibilisantes dans le principe actif ou les excipients.
- Le risque chimique
Le formaldéhyde, utilisé en désinfection pour l’hygiène du bloc opératoire, est un puissant irritant respiratoire et est aussi très irritant pour la peau et les yeux et possède un effet cancérogène suspecté.
L'exposition des professionnels de santé aux cytostatiques employés comme traitements lors des chimiothérapies, absorbés par voie cutanée et respiratoire, les exposent à des risques mutagènes, toxiques et tératogènes.
Les effets cutanés, irritation et sensibilisation, ainsi que les troubles respiratoires et les effets irritants sensoriels sont produits par le glutaraldéhyde, utilisé pour la stérilisation à froid des surfaces et du matériel médical en milieu hospitalier.
Les effets d’une exposition répétée à l’halothane, utilisé comme vapeur anesthésique, peut avoir des effets sur le foie, entraînant une insuffisance hépatique.
- Le risque radiologique
L’utilisation des rayonnements ionisants lors des radiographies opératoires, en chirurgie osseuse... expose à des Irradiations accidentelles.
- Le risque physique
Les équipes d’infirmiers et d’aides soignants sont soumis à des rythmes de travail élevés (par exemple nombre de toilettes par poste), à une station debout prolongée et à des déplacements incessants dans toutes les chambres et dans les salles, ce qui entraîne des risques physiques.
L’origine de ces accidents, entraînant un arrêt de travail, est variée : il peut s’agir de chutes ou de contusions par choc en cas d'encombrement mais aussi et surtout, provenir de travaux de manutention des malades et d’un port de charges (problèmes d’épaules, de cervicales et lombaires).
La personne malade, surtout âgée, a souvent de grandes difficultés à se déplacer. L'aider à se lever, s'asseoir, marcher, oblige le personnel infirmier à des gestes très particuliers.
Le travail à la chaleur et en lumière artificielle permanente est une autre contrainte physique.
- Le risque psychologique
La charge psychologique, la: confrontation avec le handicap, la souffrance, la mort, la démence, génère un risque dominant dans le secteur des soins infirmiers.
A cela s’ajoute des facteurs aggravants, comme le travail de nuit, les horaires décalés ou le week-end et les jours fériés, le contact avec les proches du patient pouvant entraîner conflit et agression, le manque de maturité professionnelle des jeunes fraîchement diplômés, le travail isolé du personnel soignant à domicile.
Les effets de la traumatisation psychologique se cumulent avec le temps et peuvent conduire à l'état de stress compassionnel.
L’importance du stress compassionnel est une composante importante des risques de la profession du personnel infirmier : par exemple, quand la fin de vie se rapproche pour un malade que l’on a longtemps soigné, des moments affectivement importants surviennent à un moment ou à un autre.
Les relations avec le patient sont selon les cas, faciles et attachantes, ou difficiles avec des personnes méfiantes, autoritaires, agressives ou bien désorientées Des relations conflictuelles peuvent parfois survenir avec certaines familles. Il faut alors supporter le manque de considération ou de la personne soignée ou de ses proches.
De plus, il faut compter avec la souffrance mentale liée aux difficultés à concilier les exigences déontologiques (apporter la meilleure prise en charge possible, l’excellence malgré parfois l’incertitude à l’égard du traitement) et les exigences administratives (toujours plus vite, avec moins de moyens).
Enfin, l’agression physique violente (coups, projections d’objets, morsures, griffures) ou verbale (cris, injures..) se rencontre dans les services d’urgence et en milieu psychiatrique notamment. Les intervenants en santé mentale confrontés sans cesse à de lourdes pathologies psychiatriques forment un groupe à risque élevé de stress professionnel.
L’excès de stress peut paradoxalement engendrer parfois chez le personnel soignant des formes de négligence voire de maltraitance envers un patient, un handicapé mental ou physique…
Les principaux risques des soins infirmiers
Les accidents d’exposition au sang (ou autres liquides biologiques) sont potentiellement graves car ils exposent la victime à une transmission éventuelle de bactéries ou virus, mais surtout des virus du sida, et des hépatites virales B et C. L’hépatite B peut être à l'origine d'un carcinome hépatocellulaire. L'accident exposant le plus sévère est une piqûre septique.
Le contact direct avec des personnes atteintes de maladies infectieuses en particulier pulmonaires (tuberculose, bronchite, grippe) peut provoquer des contaminations aériennes ORL. C’est aussi le cas pour celles atteintes de maladies cutanées (streptocoques, staphylocoques, gale, herpès …).
Les contaminations hospitalières les plus fréquentes :
- Maladies dues au bacille tuberculeux
- Infections d'origine professionnelle par les virus des hépatites
- Maladies liées à des agents infectieux ou parasitaires contractées en milieu d'hospitalisation et d'hospitalisation à domicile : staphylococcie, infections à entérobactéries, infections à pneumocoques, infections à streptocoques, infections à méningocoques, infections à gonocoques, syphilis, infections à herpès, gale …
- Kératoconjonctivites virales
Les dermatoses professionnelles sont fréquentes parmi les personnels soignants. Il s'agit le plus souvent de dermatites d'irritation favorisées par la manipulation d'antiseptiques et de désinfectants, le lavage répété des mains et les antécédents de dermatite atopique. Il existe des urticaires de contact principalement dues au latex mais également des eczémas.
Les affections péri articulaires, du rachis lombaire (lombalgies), sont très souvent provoquées par la manutention manuelle des malades.
L’insuffisance veineuse est liée à la station debout et au piétinement
La fatigue psychologique, pouvant parfois aller jusqu'à l'épuisement nerveux et la dépression, est la conséquence de l’excès de stress compassionnel (ou vicariant), entraînant de nombreuses conséquences psychosomatiques : perturbations du sommeil, crises d’angoisse, troubles gastro-intestinaux, troubles du comportement dont des conduites addictives (alcoolisme, drogues).
La prévention des risques des soins infirmiers
La stratégie de prévention intégrée dans une démarche d'amélioration des conditions de travail du personnel infirmier repose sur :
La vaccination du personnel soignant
Les vaccinations obligatoires (tétanos, diphtérie, poliomyélite, hépatite B, BCG) doivent être complétées par des vaccinations recommandées dans certaines situations plus risquées : contrôle sérologique de la rubéole, à l'embauche pour les femmes en âge de procréer, et vaccination, sous contraception, en cas de sérologie négative ; vaccination contre l’hépatite A, la typhoïde en cas d'affectation en service de contagieux.
Le respect des précautions générales d'hygiène
Des précautions d'hygiène doivent être appliquées vis-à-vis de tous les patients, quel que
soit leur statut infectieux.. Afin de maîtriser les risques de transmission d'agents infectieux, il convient de respecter un ensemble de précautions définies sous le terme de "précautions standard" dans la circulaire DGS/DH n° 98-249 du 20 avril 1998.
Le lavage des mains, le nettoyage et la désinfection des surfaces souillées, le transport du linge et des matériels dans un emballage fermé étanche, font l’objet de procédures rigoureuses.
La tenue vestimentaire des personnels infirmiers correspond à un niveau de risque élevé : manches courtes, tunique pantalon, cheveux relevés, ongles courts sans vernis, mains et avant-bras sans bijoux.
L’utilisation rationnelle d'un matériel et d’un équipement adapté
Mise à disposition et utilisation de moyens techniques de manipulation de personnes (lève personnes ; lits médicalisés ; baignoire à accès latéral réglable en hauteur ; poignées de maintien …)
Séparation à la source des déchets spéciaux : conteneurs de collecte adaptés pour les produits souillés ou à risque infectieux, collecteurs pour matériels piquants/tranchants.
Points de lavage des mains, facilement accessibles, complets et bien entretenus : lavage, désinfection des mains, avec des solutions hydro alcooliques.
Certains matériels de sécurité permettent de réaliser les gestes de prélèvements, injections, dans de plus grandes conditions de sécurité : seringues, systèmes de prélèvements, scalpels pourvus d’un manchon de protection qui vient recouvrir l’aiguille ou la lame après le geste ; aiguilles de suture à bout mousse, moins dangereuses pour l’opérateur que les aiguilles classiques ...
Le port d’équipements de protection individuelle
- Port de gants :
Le port de gants a pour but :
- de protéger le patient lors de soins aseptiques,
- de se protéger des risques infectieux par contact avec les liquides biologiques et/ou de risques de blessures
Les gants doivent être changés entre 2 patients, 2 activités, à l'occasion de soins à risque de piqûres, lors de la manipulation de tubes de prélèvements biologiques, linge et matériel souillé, systématiquement lors des soins lorsque les mains du soignant comportent des lésions.
Le type de gants à usage unique est à adapter au type de soins. Les gants de soins répondent aux normes NF EN 420, 455-1 et 455-2. On peut citer par exemple :
- Gants médicaux stériles (en latex) : manipulations de dispositifs intra vasculaires, dialyse péritonéale, pose de sonde urinaire...
- Gants de soins non stériles (en latex, en vinyle ou en polyéthylène) :
prélèvements sanguins, aspirations endotrachéales, contact avec les muqueuses, administration des cytostatiques ....
- Port de blouses, lunettes, masques :
- La tenue civile propre à manches courtes est protégée pour les soins par des tabliers ou des blouses
- Le port du masque de type chirurgical est indiqué pour le soins spécialisés tels que : manipulations sur site implanté, cathéter central, dialyse, patients immunodéprimés...
- Le port de lunettes et de masque est indiqué si les soins ou les manipulations exposent à un risque de projection de sang, ou tout autre produit biologique, tel que intubation, aspiration, endoscopie, acte opératoire, .....
La formation du personnel infirmier
- Formation à l’application des précautions standard d’hygiène
- Formation à la procédure de déclaration d'accident avec exposition au sang (A.E.S.)
- Formation à l'accompagnement des malades et de leur famille et à la relation d'aide
- Formation PRAP (Prévention des Risques liés à l'Activité Physique) : gestes et postures de travail pour améliorer l’ergonomie de la manutention manuelle
- Formation du personnel infirmier à la gestion du stress
Une formation initiale puis continue, adaptée aux aspects psychologiques du métier infirmier est nécessaire. Elle permet de comprendre les troubles du comportement et de réagir au mieux. Elle permet aussi de savoir conserver ses "distances" pour se préserver des conséquences d'un attachement trop grand.
Des techniques de dialogue et la communication contribuent à désamorcer les risques de violence, pour être capable de gérer des relations conflictuelles potentiellement violentes.
La formation à la gestion des conflits et du stress destinée au personnel infirmier (techniques de « coping », afin d'obtenir un meilleur contrôle émotionnel en situation d'agression) est dispensée par des cabinets de conseil spécialisés.
Il faut en effet souligner l’importance des ressources personnelles et des capacités de réaction (stratégies individuelles d’adaptation), d’où la solution apportée par l’amélioration de celles-ci par la formation, par tout un ensemble de techniques (affirmation de soi – communication – biofeedback – méditation – gestion du temps – hygiène de vie….).
L’organisation du travail
- Le personnel infirmier exposé aux agents biologiques ainsi que ceux travaillant de nuit doivent être soumis à une surveillance médicale renforcée : surveillance ostéoarticulaire, état veineux, maladies contagieuses, état psychique, respiratoire et cutané.
- Prévoir des réunions de concertation régulières pour exprimer ses problèmes professionnels à des collègues et avoir des échanges avec eux sur la façon de surmonter les difficultés.
- Prévoir une structure d'aide psychologique et d'écoute pour le personnel infirmier ainsi que des groupes de parole avec l’encadrement pour la gestion du stress et des urgences. Il convient que la personne stressée trouve du soutien social de la part de sa hiérarchie ou de ses collègues. La notion de soutien social - aide apportée par les collègues dans la réalisation des tâches et degré d’intégration dans le groupe et de cohésion sociale – est un modérateur puissant des effets du stress au travail.
- Prévoir la mise en place d'un soutien psychologique et administratif en cas d'agression du personnel infirmier. La hiérarchie doit rassurer la victime et démontrer une grande capacité d’écoute : il est fondamental de rétablir un sentiment d’appartenance à l’équipe, car la victime va se sentir brutalement exclue de son contexte normal de travail. Une déclaration d’accident du travail est nécessaire.La déclaration en accident de travail, systématique même sans arrêt, favorise la reconnaissance du choc émotionnel subi, permet d’assurer la prise en charge et donc la gestion de soins médicaux et psychologiques.
La réglementation de la prévention des risques professionnels des soins infirmiers
- Circulaire DGS-DH n°98/249 du 20 avril 1998 sur la prévention de la transmission des agents infectieux véhiculés par le sang ou les autres liquides biologiques lors des soins.
- Article L3111-4 du Code de la santé publique : vaccination contre l'hépatite B, la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite
- Articles R3112-1, R3112-2, R3112-3, R3112-4 du Code de la santé publique : vaccination par le BCG.
- Arrêté du 13 juillet 2004 relatif à la pratique de la vaccination par le vaccin antituberculeux BCG et aux tests tuberculinique
Décembre 2009
Pour aller plus loin
Stress, souffrance et violence en milieu hospitalier. Manuel à l'usage des soignants (Mutuelle nationale des hospitaliers et des personnels de santé) (2001)
- Risques professionnels en milieu hospitalier. Santé Sécurité Travail n°9, avril 1999. (Institut de santé et de sécurité au travail)
- Guide des matériels de sécurité (GERES, INRS, Ministère de la santé) (1999 - 2000)
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05/08/2020