Le nettoyage à sec des vêtements (ou pressing) est une activité présentant un certain nombre de risques du fait de l’utilisation, en fonction des taches à enlever, de différents solvants et dégraissants toxiques, irritants ou ayant un effet cancérigène suspecté.
On estime, en France, que 15000 personnes environ sont exposées à ces risques professionnels dans quelques 7500 entreprises de nettoyage à sec, dont la moitié environ sont des entreprises individuelles. Ces risques liés aux émanations ou aux contacts avec des solvants sont chroniques, mais les composés organiques volatils (C.O.V) contenus dans ces produits, nocifs pour la santé en eux-mêmes, peuvent aussi être à l’origine d’accidents tels les rejets de matières polluantes dans l’air ou dans l’eau, incendies, explosions... A ce titre, les pressings, dont la majorité sont des installations de nettoyage à sec, sont soumises à déclaration des Installations Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE), ce qui impose des mesures particulières réglementaires concernant les rejets et les déchets…
A ces risques spécifiques du nettoyage à sec, s’ajoutent des risques communs à de nombreux autres secteurs tels que chutes de plain-pied sur sol humide, troubles musculo-squelettiques dues aux manipulations de charge ou aux gestes répétitifs du repassage par exemple.
Tous ces risques professionnels peuvent être efficacement prévenus avec de bonnes pratiques, comme des machines conformes, correctement utilisées et bien entretenues, des extractions d'air et des systèmes anti-feu adéquats, des équipements ergonomiques, la formation des opérateurs…
Les principaux risques des pressings
Les risques liés aux agents chimiques
- Le perchloréthylène (ou perchloroéthylène ou tetrachloroéthylène) est le solvant le plus souvent utilisé dans les pressings pour nettoyer les vêtements (bien qu’il existe des produits de substitution tel le Siloxane D5), car il a une bonne efficacité, des coûts de production réduits et il est ininflammable. Il a un effet cancérogène suspecté (Classification: R40 - Preuves insuffisantes). En cas de contact cutané fréquent, ce solvant chloré provoque un desséchement de la peau, et des problèmes respiratoires, des nausées, des vertiges en cas d’inhalation répétée. Suite à des fuites ou à des déversements importants, les rejets accidentels massifs de perchloréthylène peuvent induire de sérieuses conséquences respiratoires. Enfin, il peut provoquer des troubles gynécologiques et de la fertilité et il ne convient pas d’y exposer une femme enceinte. L’implantation des pressings situés en zone urbaine, ou à l’intérieur de galeries marchandes, génère des risques d’émanations de perchloréthylène qui peuvent occasionner des maux de tête ou des irritations respiratoires à de nombreuses personnes riveraines, autres que les employés des pressings.
Des résidus, sous forme de boues chargées de perchloréthylène produites par les machines, rejetés à l’égout peuvent perturber le bon fonctionnement des stations de traitement des eaux et constituent un risque pour les agents travaillant dans les réseaux d’assainissement. Ils constituent en outre un risque toxique pour les organismes aquatiques vivant dans les effluents rejetés.
Quant au trichloréthylène, d’usage courant pour éliminer les taches difficiles, il a une toxicité sur le système nerveux central et le cœur. En outre, il est cancérogène (Classification R 45 : Peut causer le cancer) (Tableau n°12 RG des affections professionnelles provoquées par les dérivés halogénés des hydrocarbures aliphatiques). Non combustible, il y a néanmoins des risques de formation de mélanges explosifs au contact de l’air. - Les hydrocarbures aliphatiques (KWL, ACTREL …) sont des solvants pétroliers utilisés comme détachants, par exemple par pulvérisation dans le tambour de la machine. Les hydrocarbures aliphatiques ont une toxicité généralement modérée, avec des effets communs à de nombreux autres solvants : leur inhalation répétée ou prolongée conduit à des manifestations telles que maux de tête, vertiges. A fortes concentrations, ils entraînent des troubles du système nerveux et du système digestif. Le contact répété avec la peau entraîne un dessèchement de la peau prédisposant aux dermatoses (Tableau n°84 RG des affections engendrées par les solvants organiques liquides à usage professionnel). De plus, ces produits sont inflammables, d’où un risque d'incendie et d'explosion.
- Les tensioactifs anioniques et non anioniques, produits détergents efficaces sur les taches grasses (pouvoir dégraissant), sont irritants pour la peau et les yeux et induisent une problématique environnementale de pollution des eaux.
- Des produits à base d’acide fluorhydrique sont utilisés pour ôter la rouille et peuvent provoquer de graves brûlures chimiques du fait de leur corrosivité (Tableau n°32 RG : Affections professionnelles provoquées par le fluor, l'acide fluorhydrique et ses sels minéraux)
- L’ammoniaque associée à des alcools et à des tensioactifs est utilisé pour éliminer les taches de sang : ce sont des substances volatiles pouvant intoxiquer par inhalation mais aussi par pénétration cutanée.
Les risques physiques
- L’utilisation de solvants en machines non conformes aux recommandations du constructeur ou de flamme nue à proximité des machines ou produits inflammables (dont les hydrocarbures et le siloxane, un solvant du type silicone, très peu toxique mais inflammable) est génératrice de risques d’incendies et d’explosions.
- Les nombreuses contraintes de manutention, posturales et de gestes répétitifs peuvent occasionner des affections chroniques du rachis lombaire et péri articulaires : ports de charges lors de la manipulation des vêtements et articles à nettoyer, des bidons de produits, travail debout avec piétinement, mouvements répétitifs avec appui sur les poignets lors des opérations de repassage, détachage, étiquetage…
- Des brûlures peuvent être occasionnées par des outillages à vapeur comme les pistolets à vapeur pour le rinçage après détachage, les centrales à vapeur ou par les fers à repasser.
- Des risques électriques sont engendrés par l’utilisation de nombreuses machines électriques dans une atmosphère humide.
- La fatigue auditive est fréquente en raison du travail dans le bruit permanent des machines en fonctionnement et dans celui de l’environnement (animation des galeries marchandes, bruit de la rue, …).
- Chute de plain pied sur sol encombré et dans un local exigu ou sur sols glissants (sortie du linge des machines), chute d'objet depuis les rangements en hauteur.
- Un éclairage mal adapté au travail de précision à réaliser, insuffisante ou trop forte, en permanence à la lumière artificielle, est souvent à la source de fatigue visuelle.
- Des pathologies veineuses sont dues au travail debout et à la chaleur dégagée par les machines, les pistolets et tuyauteries de vapeur, les fers et presses à repasser.
La prévention des risques professionnels des employés des pressings
La conformité, l’utilisation et le contrôle des machines des pressings
Le respect des recommandations des constructeurs et un entretien régulier des machines sont des éléments essentiels pour limiter les risques accidentels et pour prévenir des émanations. Ainsi l’utilisation et l'entretien des machines doivent être effectués par un personnel qualifié, spécifiquement formé.
Des machines utilisées de manière non conforme ou mal entretenues et non vérifiées périodiquement créent un risque chimique supplémentaire, un risque électrique accru par la présence d’humidité, un risque d’explosion, des risques de brûlures.
Il convient de respecter scrupuleusement la capacité nominale des machines et de condamner toute surcharge, et de respecter le temps de séchage recommandé.
De nombreux cas de fuites accidentelles de perchloréthylène gazeux ont été recensés au niveau de différents équipements, ce qui entraîne la nécessité d’un entretien régulier des machines avec contrôle de l'étanchéité.
Les machines de nettoyage ainsi que les produits dangereux doivent être mis sur des bacs de rétention permettant de contenir les fuites de liquides polluants, de limiter la surface d’évaporation et la propagation du solvant dans les locaux.
Les machines doivent fonctionner en circuit fermé avec neutralisation des vapeurs de perchloréthylène par courant d’air chaud, être équipées de raclage automatique des boues et de remplissage du perchloréthylène par pompage direct et disposer d’un filtre, afin d’éviter les rejets lors de l’ouverture du tambour.
Pour les machines à hydrocarbures, celles-ci doivent avoir la présence de contrôles de la concentration d'oxygène, mise sous vide et inertage à l'azote des zones à risque.
Les contrôles de conformité du matériel de nettoyage à sec doivent être effectués annuellement par un organisme compétent, à l'initiative de l'exploitant.
La prévention du risque incendie dans les pressings
L’état, la conformité aux normes et la vérification régulière des installations est un préalable indispensable, puis viennent la mise en oeuvre des dispositifs de prévention et de protection (alarme, détecteur d’incendie, désenfumage, extincteurs en nombre suffisant, accessibles et vérifiés régulièrement...). La prévention de la propagation d’incendie nécessite des caractéristiques minimales de résistance au feu des parois des locaux.
La bonne accessibilité du magasin et de ses installations doit permettre une intervention aisée des services de secours.
Le stockage des bidons de solvants et autres conteneurs de produits chimiques, doit se faire dans un local ventilé et sur cuvette de rétention, et toujours bien refermés.
L’interdiction de fumer dans les locaux doit être absolument respectée et signalée de manière apparente (de même que toutes les autres consignes de sécurité).
L’incendie peut provenir aussi des équipements électriques, et en particulier, la bonne mise à la terre de toutes les installations métalliques doit être contrôlée, les prises défectueuses remplacées…
La ventilation et la climatisation des pressings
La ventilation mécanique générale, extracteur d’air pour l’aspiration des buées et des vapeurs, doit assurer un renouvellement d'air en permanence afin de limiter les risques pour la santé des employés, des clients et des riverains, en évitant l’accumulation de vapeurs nocives et explosives. Elle doit être indépendante de tout autre système de ventilation, ne pas transiter par des locaux habités, et résister à la corrosion due aux solvants. Il doit y avoir une ventilation et aspiration des vapeurs de perchloréthylène à l'intérieur du tambour avec un traitement des rejets extérieurs (cheminée ou filtre) et la hotte de détachage doit disposer d’une aspiration frontale en fond de hotte.
L’inconfort et la fatigue des employés, évoluant le plus souvent dans des ambiances surchauffées dues à la présence des machines et des appareils de repassage, sont à la source d’accidents, ce qui nécessite la climatisation des locaux et/ou rafraîchissement de l'air (spécialement au poste de repassage) et des tuyaux de vapeur calorifugés.
Des accessoires de manutention et équipements ergonomiques
Des accessoires de manutention adaptés permettent de réduire l’incidence des efforts de manutention manuelle qui sont à l'origine de fréquents accidents du dos souvent dus à des postures incorrectes, en rendant la tâche plus sûre et moins pénible : robots de convoyage, perches d'accrochage/décrochage, escabeaux roulants, support à roulettes pour les transports de charge (bidons,...), chariots pour le transport des vêtements.
Des équipements ergonomiques permettent de gagner à la fois en productivité et en confort et sécurité pour les employés : fers à repasser avec repose-fers à portée de main, tables à repasser avec réglage du plateau en hauteur avec commande au pied pour l’aspiration et le soufflage, bacs à linge à roulettes et à fond basculant, chevalets et cintres à hauteur et roulants, tabourets ergonomiques, machines emballeuses permettant un travail sans élévation des bras, pas de repassage vertical sur cintres ou mannequins.
La protection individuelle des employés des pressings
Il faut préconiser le port de gants et lunettes lors des manipulations de solvant (projections, contacts cutanés) et avoir une protection respiratoire à la vidange des filtres et le raclage des boues à froid. L’équipement de protection individuelle adapté comporte des blouses ou combinaisons en coton/polyester déperlant, des gants en nitrile, des lunettes à oculaire en acétate, masque ou ½ masque à cartouche P2 (en cas de silice dans les filtres un masque ou un ½ masque à poussière FFP3).
Les salariés exposés aux dérivés halogénés des hydrocarbures et à des agents chimiques dangereux sont soumis à une surveillance médicale renforcée : en particulier, dosage du perchloréthylène sanguin ou urinaire et dosimétrie de l'exposition au perchloréthylène au poste de travail (tubes colorimétriques).
La formation du personnel des pressings
La formation, par un organisme agréé, à l’utilisation des machines, sur les dangers des produits utilisés et sur les moyens de se protéger (par exemple savoir lire attentivement l‘étiquette du contenant des produits, utiliser les E.P.I adéquats), sur les bonnes pratiques environnementales, est indispensable.
La mise en place de formations Gestes et Postures ou PRAP (Prévention des Risques liées aux Activités Physiques) est un des moyens permettant de lutter contre tous les troubles musculo-squelettiques (TMS), tels que lombalgies, tendinites…, en particulier pour les employés du repassage.
La prévention des risques environnementaux des pressings
Les risques environnementaux des pressings concernent surtout la pollution de l'air par les vapeurs de solvants, mais aussi la pollution des eaux lors de l’utilisation d'équipement déficient ou de mauvaise pratique. Par ailleurs, l’installation du pressing peut être la source de nuisances olfactives pour le voisinage, car elle est le plus souvent imbriquée dans le tissu urbain.
Les pressings sont soumis à la rubrique n° 2345 de la nomenclature des installations classées (Utilisation de solvants pour le nettoyage à sec et le traitement des textiles ou vêtements).
L’arrêté ministériel du 31 août 2009 fixe les règles d’implantation, d’aménagement, d’exploitation et d’entretien que doivent respecter les pressings relevant du régime de la déclaration au titre de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement.
La réglementation porte en particulier sur les spécifications concernant :
- les rejets dans l'atmosphère (volumes, limites géographiques, extraction, filtrage)
Par exemple, les hauteurs des cheminées d’évacuation sont réglementées.
De même, pour les installations situées sous des locaux habités, il convient de mettre en oeuvre une imperméabilité totale des plafonds de façon à supprimer toute infiltration de vapeur. Les sols doivent être étanches, incombustibles et équipés de façon à pouvoir recueillir les eaux de lavage et les produits répandus accidentellement.
- l'élimination et la collecte des déchets (eaux usées, boues de solvants, filtres,...)
Les boues de solvants, dans l’attente de leur traitement, doivent être récupérées dans un récipient étanche, étiquetées et entreposées dans un local ventilé et enlevées régulièrement vers des installations habilitées à les traiter par des sociétés spécialisées. Les Bordereaux de Suivi des Déchets Industriels (B.S.D.I.) attestent de la collecte des déchets par des entreprises autorisées, et de leur élimination conforme.
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