La toxicité du plomb métallique et de ses composés, par inhalation de fumées et de poussières, ingestion de particules, expose les travailleurs à des maladies professionnelles à long terme (saturnisme), par effets cumulatifs : troubles du système nerveux, anémie, insuffisance rénale, altération de la fertilité, effets très néfastes sur les fœtus, et risques cancérogènes possibles ou suspectés pour certaines de ces molécules.
La toxicité du plomb métallique et de ses composés, par inhalation de fumées et de poussières, ingestion de particules, expose les travailleurs à des maladies professionnelles à long terme (saturnisme), par effets cumulatifs : troubles du système nerveux, anémie, insuffisance rénale, altération de la fertilité, effets très néfastes sur les fœtus, et risques cancérogènes possibles ou suspectés pour certaines de ces molécules.
Or, le plomb est un métal rencontré ou utilisé dans de nombreuses applications (démolition et rénovation des bâtiments, métallurgie, batteries, peintures, verres, encres...), ce qui nécessite à la fois des mesures strictes d’hygiène, de prévention collective et individuelle, et une surveillance médicale particulière des travailleurs exposés, dans le cadre d’une réglementation exigeante, en particulier respect des valeurs limites d’exposition et changement de poste des femmes enceintes exposées au plomb.
Les principales applications industrielles exposant aux risques du plomb
L’industrie, le bâtiment et l’artisanat recourent à l’usage du plomb dans de nombreux domaines : même si les anciennes activités de manipulation d’essence au plomb tétraéthyle (nettoyage de citernes...) ont été supprimées, il faut toujours compter avec de nombreuses expositions professionnelles prolongées pouvant provoquer des intoxications chroniques (saturnisme), même à de faibles concentrations de plomb.
- L’interdiction d'emploi de composés de plomb (carbonate de plomb ou céruse, sulfate de plomb) dans tous les travaux de peinture et l’interdiction des canalisations en plomb, expose néanmoins les travailleurs dans les bâtiments ou ouvrages anciens, à des risques lors de découpages de tôles ou autres pièces métalliques recouvertes de minium antirouille (tétraoxyde de plomb), de grattages de charpentes ou de murs recouverts de vielles peintures au plomb, et lors de découpages au chalumeau de matières plombifères (conduites et tuyaux d’évacuation des eaux usées) dans les travaux de réfection.
Les risques concernent les peintres, les menuisiers, charpentiers, ébénistes intervenant sur des éléments recouverts de peinture au plomb ou sur bois anciennement cérusés et les ouvriers de démolition de vieux bâtiments, dont les couvreurs déposant les vieilles couvertures au plomb.
Le plomb est un métal lourd, très malléable. Il a un point de fusion bas, émet des vapeurs dès 600°C, est très résistant à la corrosion et possède un grand pouvoir d’absorption des rayons X.
Il est largement utilisé dans les applications suivantes :
- Les industries métallurgiques (fonderies, traitements de surface, affinage et laminage du plomb et de ses alliages, ébarbage et polissage de tous les objets en plomb ou en alliage de plomb, oxycoupage au chalumeau, soudage étain-plomb, ponçage de soudures, récupération de métaux).
- L’utilisation dans les équipements électriques et électroniques : fabrication et récupération des accumulateurs et batteries au plomb, de câbles...
- La fabrication et l’utilisation de pigments et d’additifs pour peintures, vernis, émaux, encres, matières plastiques (par exemple stabilisant du PVC).
- La fabrication d’écrans de protection aux rayons X (plaques de plomb, verre au plomb...).
- La fabrication de cristal au plomb.
- La fabrication de munition et de projectiles contenant du plomb.
- La fabrication et l’utilisation de composants antidétonants dans l’industrie pétrolière.
- La fabrication de vitraux...
Les principaux risques professionnels d’exposition au plomb
L’absorption est surtout respiratoire en milieu professionnel, mais également digestive, par ingestion de particules souillant les aliments et par défaut d'hygiène des mains et du visage. Le danger existe donc avant tout lors du dégagement de fumées formées de particules d’oxyde de plomb ou de poussières contenant du plomb.
Les intoxications aiguës sont très peu fréquentes en milieu professionnel et les risques sont ceux d’une intoxication chroniques car la toxicité du plomb est de type cumulatif par fixation sur les globules rouges avant d'être stocké dans l'organisme dans le foie, les reins, le cerveau et surtout dans les os avec une élimination urinaire très lente, de plusieurs mois pour les tissus mous à plusieurs années pour les tissus osseux. L'intoxication au plomb, ou saturnisme, est l'une des plus vieilles maladies professionnelles connues (avec les cancers des suies de ramonage), répertoriée dans le tableau n°1 du Régime Général de la Sécurité sociale (Affections dues au plomb et à ses composés) et le Tableau n°18 du Régime Agricole (Maladies causées par le plomb et ses composés).
Les manifestations cliniques graves (coliques au plomb, paralysie des nerfs moteurs par névrite périphérique,...) ne s’observent plus dans les conditions de travail actuelles des pays développés. Les effets du plomb sont ainsi devenus plus ténus, mais des pathologies dues à de plus faibles concentrations subsistent : la toxicité sanguine provoque des anémies, la toxicité neurologique provoque des neurasthénies, des anorexies et des troubles de la mémoire et de la concentration intellectuelle, la toxicité rénale des insuffisances d’élimination chroniques.
Le traitement du saturnisme consiste d’abord à supprimer l’exposition au plomb et attendre l’élimination naturelle de trois à six mois dans les cas légers, ou entreprendre une élimination forcée du plomb dans les cas plus sévères en recourant à des médicaments chélateurs qui fixent les ions de plomb en formant un composé non toxique évacué rapidement par les reins dans les urines, mais qui peuvent être mal tolérés.
Les effets cancérogènes sont suspectés pour certains composés du plomb (chromate de plomb, molybdate de plomb, sulfate de plomb, acétate de plomb ...), mais avec des preuves insuffisantes et les effets cancérogènes sont possibles pour l’hydrogénoarsénate de plomb.
Enfin, il existe une forte sensibilité aux effets toxiques du plomb chez le fœtus, entrainant pour la femme enceinte exposée au plomb, des risques d’avortement, de fausse couche ou prématurité et retard du développement psychomoteur et mental de l'enfant. Chez l’homme, les expositions au plomb sont susceptibles d’altérer la fertilité par anomalie et diminution de la spermatogénèse.
Les mesures préventives des risques professionnels d’exposition au plomb
Les mesures de prévention s’établissent dans un contexte réglementaire à respecter, comprenant des mesures régulières des concentrations dans l’air du plomb et de ses composés à ne pas dépasser, des valeurs limites biologiques de plombémie pour les travailleurs, des règles d’éviction des femmes enceintes ou allaitantes.
Les différents risques professionnels, dont ceux liés au plomb, doivent faire l’objet d’une évaluation pour permettre la rédaction du Document Unique de Sécurité (Décret du 5 novembre 2001) en appréciant à la fois l’environnement matériel et technique (outils, machines, produits utilisés) et l’efficacité des moyens de protection existants et de leur utilisation selon les postes de travail.
De manière aussi à ce que les salariés puissent être informés à propos des produits au plomb utilisés, les Fiches de Données de Sécurité (F.D.S.) doivent être mises à disposition et la connaissance de leurs risques expliquée au travers de la compréhension de l’étiquetage de leur emballage. Ce document renseigne sur la composition, les propriétés et surtout le mode d'utilisation. On y trouve également des données concernant les premiers soins, la toxicité et les précautions de manipulation.
Puis, la démarche de prévention contre l'exposition au plomb concerne d’abord la substitution des produits plombifères par des produits moins dangereux, puis passe par des mesures techniques visant à limiter l’inhalation de fumées ou poussières de plomb (modification des procédés, captage à la source, ventilation des locaux, limitation d’accès des zones) et des mesures individuelles d’hygiène empêchant l'ingestion de plomb et le port d’équipement de protection si nécessaire (masque respiratoire...).
Enfin, la mise en œuvre d’information et de formation régulière aux risques chimiques des travailleurs exposés est indispensable.
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La réglementation des expositions professionnelles au plomb
→ Selon l'article R4412-160 du Code du travail , une surveillance médicale particulière des travailleurs est assurée si l'exposition à une concentration de plomb dans l'air est supérieure à 0,05 mg/m3, calculée comme une moyenne pondérée en fonction du temps sur une base de huit heures, ou si une plombémie supérieure à 200 micro g/l de sang pour les hommes ou 100 micro g/l de sang pour les femmes est mesurée chez un travailleur.
→ Selon l’article R4412-152 du Code du travail les valeurs limites biologiques à ne pas dépasser sont de 400 microgrammes de plomb par litre de sang pour les hommes et de 300 microgrammes de plomb par litre de sang pour les femmes.
→ Selon l’article D4153-27 du Code du travail, il y a une interdiction d'emploi des jeunes travailleurs âgés de moins de 18 ans aux travaux exposant au plomb et à ses composés.
→ Selon le décret n°96-364 du 30 avril 1996 relatif à la protection des travailleuses enceintes ou allaitant contre les risques chimiques, biologiques et physiques, il est interdit d'affecter des femmes qui se sont déclarées enceintes ou des femmes allaitant à des travaux les exposant au plomb métallique et à ses composés. Une salariée enceinte ou qui allaite doit bénéficier d’un changement de poste de travail si elle est exposée au plomb métallique ou à ses composés.
→ Selon l’arrêté du 15 décembre 2009, les laboratoires d’analyses médicales pour la mesure des plombémies des travailleurs exposés doivent être accrédités.
→ Une fiche individuelle d'exposition doit être créée et tenue à jour par l'employeur, et au départ du salarié de l'entreprise, une attestation d'exposition au plomb doit être remise au salarié par son employeur pour surveillance post-professionnelle. -
La métrologie des expositions professionnelles au plomb
La métrologie d'atmosphère au niveau des postes et des locaux de travail repose sur la mesure de concentration du plomb dans l’atmosphère de travail. Elle permet de vérifier le respect des obligations réglementaires d’une installation par comparaison des concentrations mesurées aux valeurs limites à l’émission. Ces mesures régulières permettent de contrôler périodiquement les installations de ventilation et de captage des polluants.
Les prélèvements des aérosols atmosphériques sont effectués par un organisme extérieur ayant la compétence technique nécessaire, puis le plomb est dosé dans des laboratoires agréés par le Ministère du Travail.
Ces mesures permettent de connaître le respect des valeurs d’exposition maximales admissibles exprimées en mg par m3, sous forme de gaz, de vapeur ou de poussière :
la VME (valeur moyenne d’exposition) vise à prévenir les effets chroniques, c’est la concentration maximale pondérée d’un toxique dans l’air que peut respirer sans danger une personne pendant 8 heures par jour et 40 heures par semaine. La valeur limite moyenne d'exposition professionnelle au plomb est de 0,1 mg/m3 (exprimée en plomb métallique). Une entreprise est soumise à la législation plomb si la concentration atmosphérique en plomb est supérieure à 0.05 mg/m3. -
La substitution des produits au plomb
La sensibilisation à la toxicité du plomb a poussé pouvoirs publics et entreprises chimiques à rechercher des possibilités de remplacer le plomb et ses composés dans plusieurs domaines d’application : par exemple, le remplacement des additifs à base de plomb dans les carburants a induit une nette diminution de l’exposition de la population générale.
A défaut de produit de remplacement, il convient d’utiliser les produits les moins volatils et privilégier les formes en poudre compacte, en granulés, en pâte au lieu de poudre. -
Les mesures techniques de prévention collective de l’exposition au plomb
La prévention technique collective, qui permet la suppression ou la réduction de l’exposition respiratoire à des niveaux aussi bas que possible, est primordiale, là ou elle est envisageable :
- Favoriser l’évacuation des émissions de poussières et de fumées de plomb par la ventilation et l’aération des lieux de travail, ce qui joue un rôle essentiel pour limiter la concentration de l'ensemble des polluants dans l'air ambiant des lieux de travail. La ventilation générale opère par dilution des polluants à l’aide d’un apport d’air neuf dans le local de travail de manière à diminuer les concentrations des substances toxiques pour les amener à des valeurs aussi faibles que possible et inférieures à la VME (valeur moyenne d'exposition).
Les entrées d'air doivent être compensées par des sorties forcées : la ventilation mécanique générale doit assurer un renouvellement d'air neuf minimal en permanence, en évitant l’accumulation de substances nocives dans l’air par extraction et soufflage des poussières et fumées : l'air est transporté dans le local par un ventilateur de soufflage et extrait du local par un ventilateur d'évacuation. L’extraction de l'air se fait grâce à un système de collecte par ces ventilateurs et des gaines de diffusion, jusqu'aux filtres et aux épurateurs de l’installation qui permettent de nettoyer l'air, puis de l’évacuer à l'extérieur par rejet dans l'atmosphère. L'entretien régulier du système de ventilation (nettoyage des conduits d'extraction, changement des filtres) est une condition indispensable de bon fonctionnement.
- Mettre en place des dispositifs de captage à la source : l’aspiration locale à la source consiste à capter les polluants au plus près possible de leur point d’émission, avant qu’ils ne pénètrent dans la zone des voies respiratoires des travailleurs et ne soient dispersés dans toute l’atmosphère du local. Les polluants ne sont pas dilués mais évacués.
- Réaliser les opérations en enceinte fermée (vase clos).
- Utiliser des techniques et des modes opératoires pour limiter l’émission de vapeurs (diminution de la température) et produisant aussi peu de poussières que possible.
- Aspirer systématiquement les poussières des postes de travail avec un aspirateur équipé d’ filtre absolu (pas de balayage qui remet en suspension les particules dans l’air) et humidifier les sols. -
Les mesures d’hygiène de prévention de l’exposition au plomb
Des mesures d’hygiène strictes sont nécessaires pour éviter la pénétration digestive par déglutition de particules de poussières présentes sur les mains, le visage et les vêtements, pour le travailleur et sa famille lorsqu’il rentre à son domicile.
- Des vestiaires doubles, situés près de la sortie, doivent être mis à la disposition des travailleurs exposés au plomb : l’entreposage des tenues de travail doit avoir lieu à l’abri de la poussière de plomb et le rangement des tenues de ville et des tenues de travail doit être séparé. Les vêtements de travail ne doivent pas être rapportés au domicile pour le lavage, afin que le salarié ne rapporte pas de poussières de plomb chez lui.
- Des douches doivent permettre de se laver à la fin du travail.
- Des points de lavage des mains et du visage à l'eau chaude savonneuse en nombre suffisant doivent permettre un lavage des mains fréquent et en tout cas avant chaque pause ou en fin de poste.
- L’interdiction de manger, boire et fumer dans les locaux de travail doit être respectée impérativement. -
Les équipements de protection individuelle contre l’exposition au plomb
Le port d'équipement de protection individuelle (gants, tenue de travail...) est toujours indispensable car toutes les mesures de prévention collective ne permettent pas de supprimer totalement l'exposition au plomb. Quant à la protection respiratoire, le port d’un appareil respiratoire toujours gênant ne s’envisage que s’il persiste un risque d’exposition par inhalation, malgré la mise en place de la prévention collective ou bien dans les cas ou la protection individuelle est la seule possible, comme dans certaines opérations d’entretien, de maintenance ou d’intervention d’urgence, mais l'usage de masques respiratoires ne peut s'envisager que pour des manipulations ponctuelles de courte durée.
- des masques anti-poussières fines de type FFP2, en papier ou cartonnés, légers, jetables, filtrant les particules mais de durée d’efficacité limitée à quelques heures peuvent convenir pour des expositions faibles (ce qui est le cas le plus souvent si les mesures techniques sont mises en œuvre).
- des demi-masques, avec cartouche filtrante, de type FFP3, prenant le nez et la bouche, peuvent être utilisés pour se protéger des fumées et des poussières en concentration plus importante.
- enfin, un masque à adduction d’air est recommandé pour des tâches particulièrement exposées, dans des conditions de travail exceptionnellement difficiles. -
La surveillance médicale des travailleurs exposés au plomb
L’exposition au plomb impose une surveillance périodique des travailleurs au moins une fois par an, instaurée par le médecin du travail, et les salariés embauchés à des postes exposant au plomb doivent passer une visite avant de commencer leur travail.
La détermination du taux de plomb (plombémie) dans le sang constitue le paramètre le plus important pour évaluer l’exposition encourue durant une période prolongée. Cette analyse est complétée en associant la Numération Formule Sanguine (NFS), la créatinémie, et le dosage de l’acide delta-aminolévulinique urinaire (ALAU).
La périodicité du contrôle des expositions est alors fonction des niveaux mesurés.
Une imprégnation trop importante au plomb constatée au cours de cette analyse biologique peut justifier une décision d’inaptitude temporaire ou définitive au vu de l’évolution des paramètres pathologiques constatés dans les contrôles antérieurs. Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives à l'état de santé physique du travailleur. Le chef d'entreprise est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. En cas de difficulté ou de désaccord, la décision est prise par l'inspecteur du travail après avis du Médecin-Inspecteur du travail.
Pour aller plus loin
Brochure INRS "Interventions sur les peintures contenant du plomb. Prévention des risques professionnels". ED 909. 2004, 54 pages
Brochure INRS "Fabrication des accumulateurs au plomb. Ventilation". ED 746. 2007, 24 pages
Aout 2011
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